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8 mai 1945 : Une  plaie méconnue et impunie

Le mardi 8 mai 1945, le monde libre est dans la rue. Il y fête la libération et la défaite de l’Allemagne nazie. Au même moment la France coloniale y perpétue et à huis clos la plus horrible tuerie. Que savons –nous d’un tel pogrom commis un jour de victoire ? Une grande partie de l’épreuve traumatique demeure méconnue du grand public des deux rives de la méditerranée. Même si les travaux d’un petit groupe d’historiens français et Algériens comme Annie Rey Goldzeiguer, Jean Louis Planche, Mahfoud Kheddache, Jean pierre Peyroulou, Redouane Ainad Tabet, Boucif Mekhalid et notre collègue Kamel Beniaiche auteur de remarquables essais, fruit de plus de 18 ans de recherches, de fouilles et d’investigations. Il n’en demeure pas moins, que la partie émergée de la plaie demeure méconnue. Le public, notamment la masse juvénile, ne connait presque rien du mardi sanglant. D’autant que mille et une zones d’ombre ne sont pas enseignées, ne figurent toujours pas dans les manuels scolaires et les livres d’histoire. La mise en place d’une Shape de plomb est l’œuvre des commanditaires et auteurs du carnage, lesquels n’ont jamais été inquiétés. Au lieu de privilégier la vérité historique, le chemin idoine, pour apaiser les mémoires, les apôtres de la colonisation ont opté pour le déni, la dénégation et les contre-vérités. Ayant tout fait pour échapper au tribunal des hommes , la France ne voulant toujours pas regarder son passé colonial et les crimes commis en son nom, non seulement en mai 1945, mais tout au long de 132 ans de colonisation, est poursuivie ou plutôt pourchassée par le tribunal de l’histoire inflexible quand il s’agit de crimes de guerre , crimes contre l’humanité , crimes d’Etat et crimes contre la paix .Ce n’est plus possible de continuer à cacher le soleil par un tamis et de nier les faits, débusqués par notre collègue Kamel Beniaiche, seul journaliste à ausculter la plaie demeurant béante, 78 ans après. Mu par le seul devoir de vérité, l’échotier n’ayant toujours pas étanché sa soif, dévisse, à travers son deuxième opus (publié en février 2023) « Massacres de mai 1945 en Algérie- la vérité mystifiée », de nouveaux ressorts, brise des codes. « La vérité mystifiée » restitue en partie, les noms et les sépultures confisqués, rétablit les faits et déconstruit les allégations de l’histoire à sens unique. Le 8 mai, des hommes ont été tués à Annaba, Blida et ailleurs. Les troubles ont ainsi écumé tout le pays d’Est en Ouest. Il n’est plus possible, donc de restreindre l’espace géographique de la tragédie à uniquement Sétif, Guelma et Kherrata. La deuxième de la recherche, me conduit vers des zones inexplorées et inexploitées. Elle m’a aussi permis de casser des tabous, la torture entre autres. Effectivement, la police, la gendarmerie ont eu recours à de telles pratiques en 1945. Des jeunes nationalistes, ont été tabassés et torturés dans les commissariats de police et au niveau de la sinistre ville Sesini (villa des oiseaux) d’Alger. « Cachée des décennies durant, la torture est désormais déverrouillée » souligne notre confrère et enchaine : « Victime de la rétorsion de l’information, érigée en mensonge d’Etat, l’opinion française a le droit de savoir et de connaitre la vérité. Le moment est venu pour débusquer les questions éludées par les chantres de la colonisation. En mai 1945, l’armée française n’a pas utilisé des sacs de sable comme leurres ou par souci d’éviter des morts. Du 9 au 18 mai, les chasseurs et bombardiers ont largué de centaines de bombes de 50 à 100 kg. Des centaines de douars et mechtas ont été rayés de la carte. Les crimes perpétrés par les milices, notamment celle de Guelma mise en place André Achiary le 14 avril 1945, sont pointés du doigt. Le déni n’apaise pas les mémoires » précise Kamel Beniaiche pointant du doigt, la justice expéditive, les exécutions sommaires, la razzia, l’inique « récompense » réservée aux éléments du 7eRégiment des Tirailleurs Algériens (RTA) et d’autres dossiers divulgués pour la première fois. Otage d’une partie de classe politique de droite, de l’extrême et d’un électorat allergique à toute idée de reconnaissance, le gouvernement français n’est toujours pas disposé à demander pardon, alors que d’anciennes puissances coloniales comme l’Allemagne et l’Italie, pour ne citer que ces deux exemples, ont courageusement soldé la question et mis de nouveaux jalons dans les relations des peuples. Crispée la France, qui a attendu plus de 37 ans, pour qualifier les « opérations militaires conduites en Algérie » de « guerre » ne veut toujours pas faire son mea-culpa. Premier à divorcer avec le désuet discours politique, l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, qui a osé ériger une stèle à la mémoire des victimes de la tragédie du 17 octobre 1961, disait vrai : « Le fait colonial est injuste, ce qui est juste, c’est un peuple libre (…) ». Quand Willy Brandt s’est mis à genoux pour demander pardon au nom de l’Allemagne, il a grandi l’Allemagne « …On ne s’abaisse pas quand on reconnait ses fautes».

  1. B.
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