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Economie informelle :  Des milliards échappent encore au circuit bancaire

L’argent tiré de l’économie informelle continue à échapper à toutes les tentatives de bancarisation. C’est une réalité que personne ne pourrait nier. Malgré l’ouverture de guichets et agences bancaires réservés à la finance islamique, les résultats demeurent en deçà des attentes exprimées par le gouvernement, même si les chiffres révèlent le captage à fin 2022, de plus de 594 milliards de dinars, selon Middle East Eye, un site d’information basé à Londres, qui vient de consacrer un long article à ce sujet. « Même si ce chiffre reste modeste comparé aux près de 45 milliards d’euros qui échappent encore au circuit bancaire », relate le web site se référant aux chiffres annoncés par les pouvoirs publics et à leur tête le ministère des Finances, « les spécialistes soulignent qu’il n’est pas non plus négligeable si l’on considère que la finance islamique en Algérie n’en est qu’à ses débuts ». D’après ce média, qui a repris les propos du président de l’association professionnelle des banques et des établissements financiers, « en moins de trois ans, 469 guichets dédiés à la finance islamique dans onze banques ont été ouverts ». Toutes ces données reflètent-elles réellement une opération qui enregistre un plein succès ?  Aucun expert en finances ne s’est hasardé à répondre par l’affirmative, en raison de l’absence d’une information complète et détaillée. Middle East Eye a évoqué un certain engouement pour la finance islamique de la part d’une catégorie de commerçants, et cela pour des motivations évidentes liées aux convictions religieuses, mais a souligné sur la base d’un témoignage fourni par un expert en finances, Abdelghani Remram, que la problématique algérienne est illustrée par « le manque de confiance dans les banques et leurs dirigeants et l’absence de sensibilisation à la finance islamique ». Va-t-on se contenter de ces résultats qualifiés de modestes, ou tenter de recourir à d’autres mécanismes dans le but de capter une grande partie de l’argent de l’informel ?  Dans son allocution prononcée à l’occasion de l’ouverture, le 19 janvier au Palais des nations, de la réunion gouvernement-walis, qu’il a présidé pour la 5ème fois, Abdelmadjid Tebboune avait évoqué la question des fonds, dont la valeur échappe toujours aux analystes économiques les plus avertis, qui circulent dans le circuit informel. « Je lance un dernier appel à ceux qui ont accumulé de l’argent dans leurs foyers pour qu’ils le déposent dans les banques », avait-il lancé, tout en rappelant que l’Etat a fourni des garanties à ceux, qui justifient leur défiance sous un prétexte religieux, en mettant en place une finance islamique ». Le président de la République avait signalé qu’il s’agit d’un dernier appel. Selon les économistes, la thésaurisation « exerce un effet dépressif sur l’économie », en « stérilisant » le pouvoir d’achat, au moment où l’Etat se déploie pour le tirer vers le haut par l’injection d’importantes ressources dans une économie tournée résolument vers la production et la création de richesses. En septembre 2021, Abdelmadjid Tebboune avait souligné dans un discours prononcé  lors de la cérémonie d’installation des membres du Conseil national économique, social et environnemental (CNESE), que les fonds qui circulent dans l’informel doivent servir à financer la relance économique. Il avait livré une estimation convertie en monnaie forte (90 milliards de dollars). Il est à rappeler qu’en 2017, les actifs de l’informel ont été estimés à 1700 milliards de dinars  par Ahmed Ouyahia, qui venait d’être nommé Premier ministre en remplacement d’Abdelmadjid Tebboune. Durant cette période, l’Etat aurait même envisagé de changer les billets de banques en circulation, après l’échec retentissant de l’emprunt obligataire de 2016. Mais l’opération n’eut pas lieu, sans que le gouvernement ne donne des explications.

Mohamed Mebarki

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