À l’approche de la fête d’Aïd al-Fitr, la ville d’Annaba donne l’impression d’être devenue un lieu de commerce illicite florissant. Le centre-ville, à titre d’exemple, s’est actuellement transformé en un autre univers propre au « trabando ». Détenu par un milieu à la forme métaphorique d’une hydre aux multiples têtes qui glane, brasse, véhicule, transfère et propage une gamme de produits et de marchandises de qualité incertaine ou douteuse venus du monde entier, le commerce informel à Annaba est comparé à une caravane d’Ali Baba. L’absence de la force publique permet à des dizaines de jeunes venus d’autres horizons de s’approprier les trottoirs et les chaussées de la ville, du matin au soir. L’instinct d’acquisition fortement ancré chez certains hommes est renforcé, du moment que les responsables adoptent l’attitude de Ponce Pilate. Cette « pratique » du commerce en dehors de son cadre légal et non conformément aux normes exigées a réduit à néant la production locale et a inondé la ville et ses communes. Sur la rue Larbi Khemisti, à quelques pas du Cours de la Révolution, la situation est chaotique en raison des agissements des des tenants du commerce informel. Depuis le début du mois de Ramadhan, des rixes violentes opposant des vendeurs à la sauvette pour une histoire d’occupation de trottoirs ont été signalées. Une partie de la rue, notamment celle reliant la placette du théâtre à l’avenue Gambetta, la plus commerçante d’Annaba, donne l’allure, au fil des jours, d’un endroit sordide sous l’emprise de personnes dignes de piranhas. Ainsi, a-t-on constaté sur place, les propriétaires des magasins squattent les trottoirs, mais également la chaussée et les espaces verts, sans se soucier de la propreté de leurs devantures. Pour beaucoup de citoyens, des propriétaires de commerces, défiant les lois de la République, ont aussi une grande responsabilité dans cette situation, tant ils accaparent les trottoirs, qui ne semblent plus être réservés aux piétons. Pour de nombreux experts, le commerce informel a gangrené l’économie nationale. Ses tentacules et ramifications s’étendent à l’infini, car cette entité insatiable, avide et prédatrice, ne connaît aucun répit. Plus grave aujourd’hui, beaucoup à Annaba savent que « la caravane d’Ali Baba du commerce informel » cache des secrets insoupçonnables, allant du trafic de stupéfiants à la « traite des blanches », aux « circuits des harraga » et à la prostitution, au trafic d’armes, de cigarettes, de véhicules de marque, de bétail et de carburants. Pour les plus avertis, les énormes quantités de produits qui inondent les marchés ne représentent, en réalité, que la partie immergée de cette « immense foire » que même Ali Baba et son sésame ne pourraient comprendre.
B. Salah-Eddine
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