L’argent de l’informel : voilà une des plaies, et pas la plus bénigne, qui continue de saigner l’économie nationale, et le pire c’est que le phénomène, tout en persistant structurellement, prend de plus en plus de poids, devenant un système en soi qui fait peser un risque potentiel XXL sur la place financière. A combien s’élève la masse monétaire que brasse l’informel ? Ni institutions officielles, ni experts financiers, ni recherches académiques (faut-il encore qu’il en existe) ne sont en capacité d’apporter une réponse pertinente à la question, pour la simple raison que l’informel, de par sa nature même, prospère dans l’opacité qui fait qu’il échappe à toute statistique. Du coup, chacun y va de ses chiffres, avec des gaps énormissimes qui rendent ces évaluations aléatoires pour ne pas dire fantaisistes. En septembre 2021, le président Tebboune avait avancé le chiffre de 90 milliards d’argent thésaurisé, citant même le cas de cette famille chez qui a été découverte une somme de 500 milliards de centimes ! Et pourtant, depuis l’apparition de cette aberration à effets déstructurant du marché financier, fin des années 80, tous les gouvernements qui se sont succédé ont essayé de s’attaquer à ce monstre en alternant entre carotte et bâton. Sans résultats palpables. Ni la confidentialité, ni l’impunité, ni les taux d’intérêts bonifiés, ni même la finance islamique, autant de garanties, n’ont pu convaincre les détenteurs de ces fonds à les mettre au service de l’économie nationale en le déposant dans les banques. Lors de la dernière rencontre Gouvernement/Walis, le président Tebboune a haussé le ton en parlant de cet argent, qui échappe à toute traçabilité, comme d’un « crime contre l’économie nationale », lançant un dernier appel « aux détenteurs de l’argent caché à l’injecter dans l’économie nationale » .Force est de constater que l’appel du président de la République à la raison et à la responsabilité n’a pas suscité un large écho, les choses étant, au mieux , restées en l’état, si elles n’ont pas empiré depuis, du fait des incertitudes politiques , économiques, l’instabilité en termes de texte législatifs et réglementaires qui alimentent la défiance des thésauriseurs. Boubekeur Sellami, président de l’Association des conseillers fiscaux algériens, intervenant hier au micro la radio chaîne III, est on ne peut plus formel, soutenant qu’ « il n’est pas possible de relancer l’économie nationale sans une réforme profonde touchant à tous les axes, notamment, notamment le secteur informel et le marché parallèle qui repousse les investissements et occasionne des pertes fiscales estimées à quelques 2.600 milliards de dinars » Et d’ajouter en écho à la déclaration faite par le président Tebboue que « l’état a pris toutes les mesures d’encouragement pour en finir avec l’argent qui circule dans le secteur de l’informel, estimé à 90 milliards de dollars. Malheureusement, les résultats sont très faibles ; puisque les acteurs refusent toujours d’aller vers les banques pour échapper à la traçabilité » Devant l’échec patent de toutes les mesures prises pour capter cette gigantesque masse financière, 90 milliards de dollars, c’est-à-dire plus que les réserves de changes actuelles, estimées à 66 milliards de dollars, Boubekeur Sellami est partisan des « mesures radicales », précédemment évoquées par le président de la République. De quoi s’agit-il en l’occurrence ? Du changement des billets de banque, seul moyen, selon lui d’ « obliger les acteurs du secteur de l’informel à passer par les banques pour régulariser leurs capitaux » Et d’enchérir en affirmant que « L’argent de l’informel restera dans l’informel tant qu’on n’utilisera pas cette solution » Cette solution représente un des leviers possibles pour forcer la main aux « argentiers de l’informel » à passer par la case banque. On se rappelle, qu’à son époque le président Chadli Bendjedid ( pas pour les mêmes raisons) y a eu recours. Mais elle n’est pas sans risque politique. Car forcer la main à des citoyens qui nourrissent une défiance à l’égard des banques publiques, n’est pas sans risque de tensions sociales. En tous cas, l’option se discute.
H.Khellifi.
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