Proclamée, il y’a trois ans, journée nationale de la mémoire par le président de la République, le 8 mai 1945 demeure une date repère, qui étale au grand jour la lutte héroïque du peuple algérien pour le droit à la liberté, et le visage hideux d’un colonialisme dont les atrocités ont révélé l’implacable logique inhumaine. Il y’a donc 78 ans, et au moment où les Européens dont les Français célébraient la capitulation des nazis, les Algériens, qui sont sortis dans la rue pour réclamer la libération des leaders politiques emprisonnés par l’administration coloniale faisaient face à une répression des plus atroces. Les manifestations pacifiques ayant eu lieu dans de nombreuses villes, qui ont vite pris une tournure tragique, surtout dans le Constantinois, notamment à Sétif, Guelma et Kherrata, ont tourné au massacre de masse. C’est l’historien français, Benjamin Stora, qui le dit dans une de ses interviews accordées à la télévision française. Ce jour-là, l’illusion d’une Algérie française éternelle allait se dissiper au grand désarroi des stratèges militaires d’un « empire » , qui commençait déjà à perdre pied au Vietnam. En ces jours de fiesta coloniale, « assaisonnée » de discours « exotiques », l’administration française et ses réseaux d’ultras étaient bel et bien préparés à l’idée d’une réaction populaire de la part des Algériens. Selon des témoignages rapportés par l’historien algérien, Mohamed Teguia, « dès janvier 1945, les généraux français procédèrent à un exercice dont le thème était l’insurrection ». D’après le même historien, qui était également un officier de l’ALN, « les colons civils, officiels ou non, ne s’en cachaient pas et annonçaient avant le 8 mai leur intention de sévir ». Lestrade Carbonnel, alors préfet de Constantine, prédisait tout haut que des « troubles vont se produire et qu’un grand parti (le PPA ndlr) sera dissous, et que de grandes opérations étaient imminentes ». Ce n’était pas une provocation insurrection, comme s’obstinent à le véhiculer un certain nombre d’historiens français, mais une répression impitoyable planifiée et un acharnement systématique visant à avorter toute idée d’émancipation de la tête des Algériens. « Jamais, je n’avais entendu d’insurrection », avait témoigné Abdelhamid Benzine, qui était un cadre moyen au PPA avant de rallier le parti communiste algérien. « On avait reçu des directives pour défiler le 8 mai 1945, préparer le défilé, sortir les drapeaux et revendiquer l’indépendance du pays », avait-il rapporté dans son livre « Journal de marche ». Si tout a commencé à Sétif, lorsque le jeune scout Saâl Bouzid, porteur du drapeau algérien, froidement assassiné par un commissaire de police, le mouvement de protestation qui s’étendit à d’autres villes, fût soumis à une effroyable répression. Des douars entiers ont été décimés, des villages incendiés et des familles brûlées vives. Selon l’historien français spécialiste de l’histoire de l’Algérie, Jean-Pierre Peyroulou, « les opérations militaires dépassaient la simple activité de répression ». « Il y eut donc dans cette région, une véritable guerre contre des civils très faiblement armés qui dura jusqu’au 24 mai », avait-il témoigné. « L’anniversaire du 8 mai 1945, que nous avons consacré comme journée nationale de la mémoire, est une expression éclatante et forte de l’esprit authentique de la résistance de la nation et de son adhésion aux idéaux nobles », a souligné Abdelmadjid Tebboune dans son message à cette occasion.
Mohamed Mebarki
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