Savez-vous que la localité de Chihani, relevant de la wilaya d’El Tarf, recèle un pont suspendu à l’architecture merveilleuse ? Cet ouvrage, une copie du pont de Sidi M’Cid de Constantine, enjambe l’Oued Seybouse. Le pont de l’ex-Barral, qui porte aujourd’hui le nom prestigieux du chahid Bachir Chihani, est centenaire puisqu’il a été construit en 1892 par l’entreprise Arnodin. Il a servi de prototype pour la construction, de 1908 à 1912, de celui de Sidi M’Cid, par la même entreprise et par le même ingénieur Ferdinand Arnodin, né en 1845 à Sainte-Foy-Lès-Lyon. Le pont de Chihani, qui est une œuvre d’art, dispose d’un tablier de près de 98 mètres pour une largeur de près de cinq mètres, dont deux mètres de chaussée. Ses pylônes ont une hauteur de treize mètres pour une largeur à leur base de trois mètres. C’est une structure qui dispose de haubans. Il faut noter que durant la période coloniale, cette partie de la localité de Chihani était interdite aux Algériens et séparée par la ligne Challe, qui passait à quelques centaines de mètres plus loin en longeant la voie ferrée Annaba-Ouenza. Le pont a été restauré, il y a quelques années, par la Société Algérienne des Ponts et Travaux d’Art (SAPTA). Son tablier, composé à l’époque de traverses en bois, a été repris et bitumé. Des voies pour piétons ont été ajoutées de chaque côté de cette contraction, permettant ainsi aux visiteurs d’admirer l’Oued Seybouse dans toute sa beauté. Au-delà de « Gantret Lehbel », comme l’appellent les habitants de Chihani, se trouvaient des propriétés de colons avec d’immenses orangeraies ainsi que des cultures industrielles et maraîchères. Oued Seybouse a été, à une certaine époque, pillé de milliers de tonnes de galets, appelés « tout-venant ». Cela a bloqué le cours de l’oued qui était autrefois très poissonneux. La pollution de ses eaux a également été causée par les rejets industriels d’une usine de levure, située en amont, à Bouchegouf. L’ex-Barral, dont l’entrée portait une immense croix en fer forgé, était habité par quelques familles algériennes et un grand nombre de colons qui appréciaient la beauté des lieux, avec une vue imprenable sur les terres qui s’étendent entre la Seybouse et le village. Il faut savoir que la guerre de libération nationale a emporté un grand nombre de ses habitants. Pendant l’occupation et sous le commandement d’un certain Perrier, secondé par des harkis, des prisonniers étaient torturés à la ferme expérimentale, exploitée comme un centre de transit, avant d’être dirigés vers le sinistre Bordj Nem à Dréan. Peu d’entre eux en sont sortis vivants, car ils mourraient sous la torture ou étaient exécutés sommairement. Depuis le détournement de la route nationale 16 qui la traversait, la localité de Chihani est enclavée. Quant au pont suspendu, il ne demande qu’à être connu afin de permettre à des citoyens de venir le contempler et apprécier toute sa splendeur.
Ahmed Chabi
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