L’Algérie est entrée de plain-pied dans une phase de mutation économique décisive, qu’elle est appelée à contrôler avec le maximum de maitrise afin d’assurer pleinement la réussite d’une réforme radicale de son système financier, sans provoquer de grandes tensions. Tous les indices convergent dans ce sens. Les dernières orientations élaborées par le ministère des Finances adressées aux ordonnateurs du budget de l’Etat, qui serviront de base dans la préparation de la loi de finances pour l’année 2024 sont un signe révélateur de cette orientation. Maitrise des dépenses, rigueur fiscale, performance économique en dehors des hydrocarbures et fermeté dans la gestion des ressources sont les paramètres clés, que le gouvernement compte imposer en adoptant une attitude tolérance zéro. Pour la première fois depuis l’indépendance, le projet de loi de finances sera élaboré dans une perspective pluriannuelle englobant les années 2024-2025-2026. Dans une conjoncture marquée par la hausse des revenus des hydrocarbures, les tensions géopolitiques affectant le monde, qui ont provoqué des augmentations inédites des prix des principales matières premières et des produits alimentaires, l’Algérie a été impactée à l’instar des autres pays au niveau de l’équilibre des comptes de l’Etat et le pouvoir d’achat des citoyen, mais sans perdre de vue cependant la voie du retour à une situation économique stable. En chiffres, l’Algérie a enregistré des revenus de 60 milliards de dollars en 2022, générés par l’exportation des hydrocarbures et réalisé des excédents de 18,06 milliards de dollars de la balance commerciale et de 11,8 milliards de dollars pour la balance des paiements. Les ordonnateurs du budget de l’Etat ont donc été assignés à prendre en compte ces statistiques traduisant une évolution certes positive, mais qui pourraient changer de cours suite à des bouleversements internationaux. La note du ministère des Finances a souligné que les attentes socio-économiques, « sans cesse grandissantes » ne peuvent être satisfaites que dans la limite des ressources disponibles. Pour une meilleure perspective, seule une croissance durable hors hydrocarbures, une plus grande ouverture sur le secteur privé, l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le renforcement de l’investissement permettront de mieux répondre à ces attentes. Toutefois, et au-delà de la prudence et de la rigueur, qui seront de mise, il n’y aura aucune remise en cause des subventions et des hausses de salaires et pensions décidées par le président de la République. En tout cas, aucun changement n’est envisagé dans la mesure où les dépenses de l’Etat devraient légèrement augmenter, de 13.700 milliards DA, à 14.953,68 DA et ensuite à 14.965,49 milliards DA pour 2024 et 2025, afin de répondre aux mesures sociales comme l’allocation chômage, l’augmentation des salaires des fonctionnaires et des pensions de retraite. La note prévoit l’augmentation de la dotation des ministères de l’Intérieur et de l’Education, mais insiste sur la restriction des recrutements dans la fonction publique, indiquant que la création de nouveaux postes budgétaires se fera uniquement à titre « exceptionnel », tout en privilégiant les déplacements inter sectoriels, y compris pour pourvoir en personnel les wilayas nouvellement créées. Il est prévu de ne remplacer qu’un poste sur cinq, rendus vacants pour diverses raisons, comme les départs à la retraite, de rationaliser les dépenses des administrations publiques liées aux missions, déplacements, électricité, gaz, eau, alimentation, habillement, séminaires, parcs automobiles, et de ne pas procéder à la création de nouveaux établissements publics. En ce qui concerne les investissements, tout sera axé sur les projets arrivés à une maturité qui permet leur lancement dans l’année, au plus tard l’année suivante et la priorité devra être donnée au parachèvement des projets lancés. Concernant les recettes, la note insiste sur l’élargissement de l’assiette fiscale et la mise en place d’incitations pour capter les capitaux informels, la lutte contre la fraude fiscale, la simplification des procédures et l’amélioration du climat des affaires.
Mohamed Mebarki
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