La nouvelle ville Ali Mendjeli s’est muée, durant les deux premières journées d’Aïd al-Adha, en un vaste espace de services commerciaux associés à l’immolation du mouton, comme le dépouillage de la bête et son dépeçage. Au premier jour du sacrifice, de nombreux bouchers, qu’il s’agisse de professionnels ou de simples quidams s’improvisant comme tels, parcourent les cités et les artères de la ville pour proposer leurs services pour le rituel d’abattage et le dépouillage du mouton. Ceux qui connaissent les techniques de l’abattage et du dépouillage, conscients du caractère précieux du service qu’ils rendent (ou plutôt vendent) pratiquent des prix variables, certes, mais pas toujours très amusants pour le client. Ce dernier, lassé de rechercher infructueusement un cousin, une connaissance ou un voisin capable de le débarrasser de cette « corvée », s’en remet à ces bouchers de circonstance, harnachés de tout un attirail fait de couteaux finement aiguisés, d’affûteurs manuels et, parfois, de pompes à vélo. Selon Salim, un quadragénaire maîtrisant les techniques d’abattage, la tâche est ardue et nécessite « beaucoup de savoir-faire ». De plus, soutient-il, « tout le corps est endolori après une journée de travail, les douleurs musculaires et le mal au dos sont parfois insupportables, le soir, lorsqu’on rentre chez soi ». Mais le pactole amassé en deux jours « vaut bien quelques douleurs dont un bon massage peut facilement venir à bout », concède-t-il malgré tout. Il semble que beaucoup de femmes au foyer ne voient pas d’un mauvais œil le fait de se débarrasser de cette besogne harassante (même si le travail de nettoyage des abats leur revient inévitablement). C’est surtout valable pour le « Bouzellouf » dont il faut brûler la mince peau et qu’il faut laver soigneusement pour le débarrasser de toutes les impuretés. Certaines femmes, en effet, ne se réjouissent pas à l’idée d’emplir leur appartement de fumée âcre et de cette odeur si distinctive de laine brûlée. Qu’à cela ne tienne, des groupes de jeunes gens, semblant émerger de nulle part, se déplacent dans les cités et les quartiers, munis de « l’outillage » adéquat pour « traiter le Bouzellouf » : petits couteaux émorfilés, râpes et chalumeau et le tour est joué, la tête est prête à aller au four moyennant la somme de 500 dinars. En tous les cas, le premier de jour de l’Aïd, outre la belle ambiance qu’il ne manque pas de créer partout en ville, dispose de son lot de files d’attente. Toutefois, et pour une fois, ces « chaînes » ne sont constituées d’êtres humains mais de moutons disposés à la queue leu leu, attendant leur tour de passer de vie à trépas. Au bout de la file, se tient le boucher, équipé de tout son bric-à-brac : couteaux de toutes sortes, billot (tronc de bois servant de plan de travail) et crochet pour suspendre la carcasse. Ce service, très apprécié des clients, est fourni moyennant 2.000 dinars. Un prix qui peut néanmoins grimper si le boucher utilise, par exemple, une scie électrique pour hâter la découpe. Des prix que le client, se pourléchant déjà les babines en songeant aux délectables tranches de foie grillé et aux beaux morceaux de viande qui agrémenteront le couscous du lendemain, rechigne rarement à payer.
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