A trois semaines des élections législatives espagnoles, le président du gouvernement Pedro Sanchez est dans une impasse. Ses choix diplomatiques se sont avérés désastreux et peuvent précipiter la chute de son gouvernement et une défaite cuisante pour sa formation politique, le parti socialiste ouvrier espagnol. En s’alignant, en mars 2022, sur la position marocaine sur le Sahara Occidental, le chef du gouvernement espagnol ne pensait pas un instant qu’en risquant de se fâcher avec l’Algérie, il n’allait pas forcément gagner le Maroc. Dans un long article publié par le magazine en ligne, Orient XII, le journaliste espagnol Ignacio Cembrero énumère les innombrables accords signés entre Madrid et Rabat que cette dernière n’a pas respectés malgré le revirement de Pedro Sanchez dans le dossier du Sahara Occidental. Ainsi, lors du sommet de Rabat du 2 février dernier, Sánchez et son homologue marocain Akhenouche ont signé un autre accord en plus de ceux paraphés en mars 2022 en contrepartie du changement de la position espagnole dans le dossier sahraoui. Il a porté sur « l’engagement à nous respecter mutuellement et éviter, dans notre discours et dans notre pratique politique, tout ce qui peut offenser l’autre partie, en particulier lorsque cela concerne nos sphères de souveraineté respectives ». En clair, Madrid n’allait pas évoquer le Sahara occidental en de termes qui pourraient déplaire à Rabat et les responsables marocains n’allaient pas, de leur côté, répéter à tout bout de champ que Ceuta et Melilla étaient « occupées ».
Pourtant, le côté marocain ne s’est pas senti tenu par cet engagement. Le président de la chambre des conseillers (Sénat) marocaine, Enaam Mayara, ou le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit n’ont eu de cesse ce printemps de les décrire comme « occupées ». Le ministère des Affaires étrangères dirigé par Nasser Bourita a même remis, le 17 mai, une note verbale à la délégation de l’Union européenne à Rabat protestant contre les « déclarations hostiles » de Margaritis Shinas, vice-président de la Commission européenne en charge de l’immigration, qui répétait que les villes de Ceuta et Melilla étaient espagnoles.Parmi d’autres accords signés entre Madrid et Rabat que les Marocains ne veulent pas appliquer figure l’ouverture des passages douaniers entre les enclaves de Ceuta et Mellila et le Maroc de sorte à permettre à l’Espagne d’exporter ses produits et ceux d’autres pays européens dans le Royaume chérifien. Selon le journal espagnol El Pais, le Maroc ne veut pas de ces douanes pour deux raisons : il cherche toujours à asphyxier économiquement les deux villes, et accepter l’ouverture de ces postes pourrait être interprété comme un premier pas vers la reconnaissance de la souveraineté espagnole sur ces « présides occupés », comme les décrit souvent la presse marocaine. La déclaration conjointe souscrite par les deux parties contenait quinze autres points mis à part celui sur les douanes. Sur bon nombre d’entre eux, il n’y a eu aucune avancée. Les conversations sur la délimitation des eaux territoriales entre l’archipel des Canaries et le Maroc n’ont pas avancé d’un iota, car Rabat veut y inclure celles du Sahara occidental. Celles concernant une meilleure coordination de la gestion de l’espace aérien non plus, précise le journaliste. En face, la position de Pedro Sanchez sur la question du Sahara Occidental a poussé les autorités algériennes à décréter un embargo économique sur l’Espagne. Les exportations espagnoles ont chuté de plus de 90 %, et les entreprises espagnoles ont perdu plus de 1,5 milliard d’euros en ventes en dix mois. Qui plus est, les sociétés espagnoles sont exclues de tous les appels d’offres publics en Algérie. Elles n’ont même pas pu disposer d’un stand lors des différentes foires commerciales et agricoles qui se tiennent à Alger, note le journaliste, qui fait l’objet de plusieurs plaintes déposées contre lui par les autorités marocaines. Cela se passe dans un climat d’une absence totale de solidarité de l’Union européenne. «Nous n’avons aucun atout contre l’Algérie » a avoué récemment un responsable de l’Union européenne qui a ajouté qu’à cela, il fallait ajouter « une absence de consensus » au sein de l’UE sur l’attitude à adopter face à l’Algérie. La seule solution disponible, pour l’instant, est d’ouvrir le « dialogue» entre l’Algérie et l’Espagne, a récemment plaidé l’ambassadeur européen en Algérie. « Je ne comprends pas ce que ce gouvernement a fait en changeant notre position sur le Sahara », s’indignait, le 21 juin, Jorge Dezcallar, ancien ambassadeur d’Espagne à Rabat puis patron du Centro Nacional de Inteligencia (CNI), le principal service secret, lors d’une conférence à Barcelone. « Je ne vois pas quels avantages nous avons obtenus […] ; je pense que c’est une erreur très grave », ajoutait-il. « Je constate surtout que l’initiative de Sánchez nous a mis en plein milieu de la guerre algéro-marocaine et que l’on nous jette des pierres de tous côtés ». Cette situation fait partie des raisons qui ont conduit à une défaite cuisante des socialistes espagnols lors des législatives du 25 mai dernier, ce qui a d’ailleurs conduit le président du gouvernement, Pedro Sanchez à appeler à la tenue de nouvelles élections générales le 23 juillet prochain. Tous les sondages montrent que la droite, représentée par le Parti populaire espagnol (PPE), va certainement remporter ce scrutin. Même si, pour l’heure, on ne connaît pas vraiment l’attitude ou la position de d’Alberto Nuñez Feijóo, le leader de la droite qui succèdera très probablement à Pedro Sanchez à la tête du gouvernement espagnol.
Akli Ouali
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