La wilaya de Khenchela a bénéficié d’un programme complémentaire touchant pas moins de quatorze secteurs de développement suite à la tenue du conseil du gouvernement -hors de la capitale, pour la première fois- le 12 décembre 2021, à Khenchela. Alors que la concrétisation des projets bat son plein sur le terrain, le wali, Youcef Mahiout, a bien voulu nous accorder une entrevue afin de nous en dire davantage sur l’évaluation exacte de cet important programme.
« Tout d’abord, le développement n’est pas seulement un problème de moyens financiers. On peut investir autant d’argent qu’on le souhaite, mais si la population de cette wilaya n’adhère pas à ce programme, à cette vision futuriste du développement, nous échouerons. A titre d’exemple, les oppositions que nous rencontrons dans l’exécution de notre programme sont à l’origine de 40 % des retards enregistrés par le passé. Lorsque nous souhaitons créer des zones d’activité ou réaliser des tronçons de route, les élargir ou les dédoubler, nous sommes parfois confrontés à l’opposition locale. Ainsi, au lieu de réaliser ces projets dans un délai de douze mois, cela peut prendre jusqu’à cinq ans. Cela entraîne également une facture plus lourde. Je pense qu’il est nécessaire de réfléchir à ces situations qui ne sont pas simplement des obstacles mineurs. D’où la nécessité de travailler en collaboration avec la population, qui doit nous prêter main-forte pour concrétiser les objectifs nécessaires à l’amorce véritable du développement local de la wilaya. Concernant les aspects techniques, je peux confirmer aujourd’hui que nous les maîtrisons. Nous avons déjà entamé la préparation d’un travail pédagogique, en organisant des réunions hebdomadaires avec la société civile. Actuellement, nous en sommes à la troisième réunion avec la société civile et le mouvement associatif des daïras d’Ouled Rechache, Kais et Babar. Cette démarche a été renforcée par la tenue, la semaine dernière, de la rencontre organisée par l’Observatoire national du mouvement de la société civile à Khenchela, regroupant les représentants des 21 communes de la wilaya. »
Peut-on avoir un rappel des grandes lignes de ce programme ?
« Ce programme concerne les 21 communes de la wilayas et quatorze secteurs de développement, avec un budget dépassant les 95 milliards de dinars. Il comprend un total de 59 opérations, parmi lesquelles 55 ont été lancées (93 %), dont une quarantaine est en cours de réalisation et quatorze ont déjà été achevés, soit 28 % du programme global. Quant aux quatre opérations restantes, ils sont actuellement au stade des procédures administratives, suite au passage d’une délégation ministérielle multisectorielle chargée de la levée des contraintes. »
Concernant les projets d’alimentation en eau potable, de désenclavement, d’électrification et de logements ruraux, où en est le taux d’avancement ?
« Il y a lieu de signaler la rénovation du réseau d’eau potable de la ville de Khenchela. Cette opération comprend treize lots et touche presque tous les quartiers de la ville (74 %) dont certains ont déjà été achevés. Par ailleurs, il est prévu de rénover et d’étendre le réseau dans toutes les communes de la wilaya. De plus, des travaux d’extension des capacités de stockage sont également en cours, avec onze lots prévus, dont huit ont déjà été réceptionnés et mis en service. Les dernières intempéries enregistrées dans le pays ont eu un impact positif sur ce secteur. Le barrage de Koudiat Lemdaour à Batna, principal source d’eau potable de la wilaya de Khenchela, a bénéficié d’un apport précieux estimé à plus de dix millions de mètres cubes d’eau. Le barrage de Babar a reçu huit millions de mètres cubes, tandis que celui de Yabous a reçu plus de 600.000 mètres cubes. Ces apports sont rassurants pour l’AEP en 2024. Par ailleurs, le projet de réalisation du barrage d’Oued Lazrag, à Bouhmama, sera lancé prochainement. La relance des travaux de nettoiement du barrage Foum El Gais de Kais sont est en cours. »
Y a-t-il des projets de désenclavement ?
« S’agissant du désenclavement, les projets avancent à un rythme avancé, notamment le dédoublement de la voie El Mahmel – Ouled Rechache, sur une distance de 18 kilomètres dont les travaux ont atteint un taux de réalisation de 60 %. Idem pour le projet de la voie d’évitement de la ville, comportant deux lots, qui enregistre un taux d’avancement de 55 %, en dépit des difficultés du terrain, montagneux et accidenté. Par ailleurs, le projet de modernisation et de renforcement du chemin de wilaya 8, reliant le sud (Chachar) sur 66 kilomètres, connait un taux d’avancement de 50 %. Il aura un impact positif sur l’activité céréalière et l’arboriculture. La réalisation de deux ouvrages d’art dans la commune de Khirane, visant à atténuer les inondations résultant des crues des oueds Gloua Trab et Chaabat Yaala, occupe une place importante dans les projets en cours. Un total de treize opérations de désenclavement ciblant les zones d’ombre sont programmées. Certaines de ces opérations sont en cours de réalisation, tandis que d’autres ont déjà été achevées. En ce qui concerne l’électrification agricole, trois opérations sont en cours sur une distance totale de 1.200 kilomètres, soit 700 kilomètres pour le sud et 500 autres pour le nord. Les travaux avancent de manière satisfaisante. En matière de gaz de ville, la wilaya de Khenchela mène actuellement deux opérations d’envergure. La première concerne un total de 98 projets, dont environ la moitié a été achevée. Cette initiative vise à permettre l’accès au gaz naturel aux localités éloignées et aux régions montagneuses, bénéficiant ainsi à plus de 7.000 foyers. La seconde concerne le transport de gaz et la réalisation de stations de repos. Sur un total de huit projets prévus, six ont déjà été achevés. Cette étape est cruciale pour approvisionner en gaz les projets mentionnés précédemment. »
Qu’en est-il de la ligne ferroviaire Khenchela-Ain Beida ?
« Le projet de la ligne ferroviaire Khenchela-Ain Beida détient 60 % du taux global du programme complémentaire, qualifié de projet du siècle en raison de son impact et de son importance, étant donné la position stratégique de la wilaya qui est une zone de transit entre le nord et le sud du pays. Cette ligne ferroviaire, devant s’étendre sur une distance de 51 kilomètres, présente un taux de réalisation de 23 %. Initialement prévue pour être réceptionnée en juillet 2024, la date a été avancée et les équipes travaillent en trois-huit (24h/24, 7j/7) pour permettre la réception de la ligne d’ici la fin de l’année en cours. »
Quelle place pour l’environnement ?
« La wilaya a bénéficié de six opérations qui sont en cours de réalisation. Il s’agit de l’extension du Centre d’Enfouissement Technique (CET), de la réalisation d’un centre de tri, d’une station de compostage pour le CET de Baghai et d’un CET intercommunal à Kais, de l’éradication des décharges sauvages à travers la wilaya dont plusieurs lots sont achevés, ainsi que de l’acquisition de 2.000 bacs pour le tri sélectif des déchets ménagers. »
Quelles sont les perspectives pour l’agriculture au sud de la wilaya ?
« Khenchela est une région agricole par excellence de par ses trois régions caractéristiques, à savoir la zone sud spécialisée dans la céréaliculture, la zone montagneuse spécialisée dans la production de la pomme et la zone steppique réputée pour l’élevage de vaches laitières. L’avenir de la région repose sur le secteur de l’agriculture. Parmi les perspectives de développement agricole dans la wilaya, on peut citer l’extension des superficies irriguées pour atteindre 50.000 hectares, ainsi que le renforcement de la filière céréalière en augmentant la production et en mettant en place quatre unités de collecte et de stockage d’une capacité de 240.000 quintaux. Il sera également question de l’ouverture de pistes agricoles sur une distance totale de 620 kilomètres et de la création d’un pôle d’excellence pour les cultures céréalières et maraîchères (comme les légumes hors saison). Ceci en plus de la création de périmètres de mise en valeur pour les jeunes dans la zone sud, sur une superficie de 18.000 hectares, avec des perspectives de 1.800 postes d’emploi. Notons également la présence de plus de 230 puits artésiens raccordés à l’énergie électrique ainsi que l’électrification des exploitations agricoles localisées au sud et au nord de la wilaya, ainsi que la réalisation de logements ruraux et sociaux, et l’électrification rurale. Des actions visant à améliorer le cadre de vie des citoyens et à favoriser la stabilité dans la zone pour dynamiser la production. »
Des actions sont-elles engagées pour le développement de la filière de la pomme et la dynamisation de l’exportation ?
« Il y a le projet structurant de réalisation d’un marché de gros de la pomme à Bouhmama, inscrit dans le programme du fonds de garantie et de solidarité des collectivités locales, pour une autorisation de programme de 500 millions de dinars, comprenant quatre lots. La réception du projet, dont le taux d’avancement est de 50 %, est prévue avant 2024. L’ouverture de ce marché changera certainement la dynamique économique de la région et permettra aux producteurs de commercialiser, voire d’exporter, leurs productions. Il favorisera ainsi la création d’une chaine de valeurs complémentaire à cette filière stratégique, qui constitue un pôle d’excellence aux niveaux local et national. »
Quels sont les objectifs de l’investissement dans l’aquaculture et la pêche continentale ?
« Il y a d’abord la diversification des revenus des agriculteurs, l’amélioration des productions agricoles par le recyclage des eaux usées résultant de l’activité de l’aquaculture, permettant une certaine fertilité et l’approvisionnement du marché local en poisson (Tilapia), d’autant plus que la production annuelle s’articule autour des 65 tonnes, dont une quarantaine est assurée par la ferme pilote de Cosider. Par ailleurs, trois agriculteurs privés sont impliqués dans le programme (deux dans la zone sud et un dans la zone nord). Un nouveau projet dans la même filière concerne la réalisation d’une unité de larves (semences) d’une capacité de 500.000 unités, afin d’approvisionner les agriculteurs de la région. »
Que peut-on dire de la situation des ZAD et des mini-ZAD ?
« Il existe trois opérations en cours de réalisation dans le cadre du programme complémentaire, pour une enveloppe financière de 4,4 milliards de dinars. Il s’agit d’une Zone d’Activité et de Dépôt (ZAD) à Baghai, de cinq mini-ZAD d’une superficie de dix hectares chacune et de quatre ZAD à Mtoussa, Ain Touila -zone pilote pour sa proximité frontalière-, Mahmel et Chachar. Cela permettra la création de richesses et d’emplois. »
Qu’en est-il du projet du barrage d’Oued Lazrag ?
« C’est une opération centralisée qui est du ressort de l’agence nationale des barrages et transferts. Les trois études sont achevées et les procédures demeurent en voie d’appel d’offres (cahier de charges approuvé). Ce projet permettra de booster les filières de la pomme et de l’arboriculture dans la région de Bouhmama ».
Un mot de la fin ?
« Je tiens à rappeler que toute action de l’État est tributaire de l’adhésion des citoyens. À cet effet, l’implication de la société civile est primordiale, faute de quoi, ça ne peut pas marcher. Il ne faut pas oublier le rôle des élus dans la concrétisation des opérations et l’inscription de nouveaux projets. Ces derniers, ayant pour but la satisfaction des citoyens, sont aussi tributaires de plusieurs paramètres, dont l’impact et la priorité de chacun d’entre eux. La concrétisation de ce programme complémentaire, tout comme celle des Programmes Sectoriels et Communaux de Développement (PSD et PCD), permettra certainement d’apporter une nouvelle dynamique à la région, pour vu qu’ils soient rélisés selon une feuille de route bien précise. »
Entretien réalisé par K. Messaad
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