Trois jours après des élections législatives anticipées, l’Espagne vit toujours dans l’incertitude. Contrairement aux prévisions de beaucoup d’instituts de sondages, aucune majorité n’est sortie des urnes malgré une nette avancée du Parti populaire espagnol (PPE, droite conservatrice). Après un règne de la gauche depuis plus de cinq ans, le leader de la droite, Albert Nuñez Feijoo, a longtemps caressé le rêve de récupérer la chefferie du gouvernement, retirée à son clan lors d’un vote de défiance à son prédécesseur à la tête du parti conservateur, Mariano Rajoy, en juin 2018. Mais contrairement aux sondages qui lui prédisaient un raz-de-marée, son parti, le PPE qui tablait sur 150 députés, n’a récolté que 136 sièges -47 de plus que lors des élections de 2019- sur les 349 que compte la chambre basse du parlement espagnol. Il est certes arrivé en tête, loin devant le Partis socialiste ouvrier espagnol (PSOE, centre-gauche) qui gouverne actuellement le pays qui n’a obtenu que 122 députés, mais il est loin des 176 sièges nécessaires pour obtenir une majorité absolue qui doit lui permettre de constituer un gouvernement. Pire, même avec le parti d’extrême droite, Vox et ses 33 sièges, cette coalition de droite ne peut atteindre que 169 députés. Il n’a pas d’autres réserves de voix. Malgré cela, Albert Nuñez Feijoo ne baisse pas les bras. Simultanément avec son rival, le président sortant du gouvernement, Pedro Sanchez, il a annoncé son intention de mener des consultations pour tenter de former une majorité, même fragile. « En tant que candidat du parti ayant obtenu le plus de voix, je crois qu’il est de mon devoir » de tenter de « former un gouvernement », a-t-il déclaré. Il sait que le pari n’est pas gagné. Mais il est allé rencontrer le Roi Filipe VI, là aussi, en même titre que son rival socialiste. En face, même perdant, Pedro Sanchez ne compte pas quitter le palais de la Moncloa, siège du gouvernement espagnol. Avec ses alliés de Sumar, formation de gauche radicale allié, qui a remporté 31 sièges, il compte garder l’actuelle coalition au pouvoir. Pour cela, il doit d’abord convaincre les petites formations socialistes régionales ainsi que certains partis indépendantistes qui, même s’ils ne sont pas de gauche, ne pourraient jamais s’allier avec la droite qui les a toujours combattus, les qualifiant de séparatistes. D’ores et déjà, le parti indépendantiste Catalan de Junts per Catalunya (JxCat), Carles Puigdemont exilé en Belgique, a annoncé qu’il ne soutenait pas Pedro Sanchez sans contrepartie. Dans le cas où ce soutien est acquis, l’actuel président du gouvernement espagnol pourrait réunir 172 députés au parlement. Il pourra ainsi soumettre son gouvernement à un vote où une simple majorité est requise. Les quelques voix restantes pourraient alors provenir des députés indépendants qui ne voteraient pas forcément pour la coalition de droite. Cela reste tout de même aléatoire et risqué. Les conciliabules se poursuivent toujours pour la formation d’un gouvernement. Les deux leaders ont devant eux deux mois pour cela. Dans le cas où aucune majorité ne se dégage, les Espagnols, très nombreux à se rendre aux urnes dimanche dernier, pourraient être rappelés pour de nouvelles élections vers la fin de l’année, selon de nombreux observateurs espagnols. En attendant, Pedro Sanchez continuera de gérer les affaires courantes de son pays.
Akli Ouali
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