C’est un bruit de bottes incessant qui règne au Niger. Pour la énième fois, la CDEAO, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, menace d’une intervention imminente pour déloger les putschistes. L’Algérie s’oppose à cette option et met en garde contre un chaos dans la région. Dans la journée de samedi, la CDEAO a annoncé que « le jour J » d’une intervention militaire au Niger était « fixé » et que ces troupes n’attendaient que « l’ordre » pour intervenir. Entre-temps, une délégation de ce groupe de pays s’est rendue à Niamey pour y rencontrer les responsables de la junte au pouvoir et le président déchu, Mohamed Bazoum qui apparaît public pour la première fois depuis sa mise en détention le 26 juillet dernier. Cette nouvelle option militaire déplaît à l’Algérie qui a toujours plaidé pour une solution pacifique à ce conflit. L’Algérie dit regretter « profondément que le recours à la violence ait pris le pas sur la voie d’une solution politique négociée rétablissant pacifiquement l’ordre constitutionnel et démocratique dans ce pays frère et voisin, à un moment où l’intervention militaire dans ce pays se précise ». Pourtant, Alger estime qu’une « solution politique négociée demeure encore possible». Face à cette solution militaire qui se profile, l’Algérie rappelle que les voies qui peuvent conduire à une solution politique « n’ont pas été empruntées et que toutes ces possibilités n’ont pas été épuisées ». Elle fait référence à une tentative de médiation algérienne qui n’a pas trouvé écho auprès des pays de la CDEAO et des putschistes. Les deux parties campent sur leurs positions. Pour rejeter le recours à la force l’Algérie, qui met en garde contre un « regain de vigueur et d’agressivité du terrorisme » ainsi que d’« autres formes de criminalité qui affectent gravement la région», rappelle les précédentes interventions armées ont été « porteuses d’un surcroît de problèmes que de solutions » et qu’au lieu d’être des « sources de stabilité et de sécurité. », elles ont été des «facteurs supplémentaires d’affrontements » et de « déchirements ». C’est pour ces raisons et avant que « l’irréparable ne soit commis, et avant que la région ne soit prise dans l’engrenage de la violence dont nul ne peut prédire les conséquences incalculables », l’Algérie appelle à la « retenue, à la sagesse et à la raison qui toutes commandent de redonner résolument la plus haute priorité à l’option politique négociée à la crise constitutionnelle actuelle épargnant ainsi au Niger frère et à l’ensemble de la région des lendemains lourds de menaces et de périls ». Cette crainte de l’Algérie vient de fait qu’elle partage de longues frontières avec le Niger et de son expérience des interventions militaires récentes dans d’autres régions. Or, « une intervention militaire au Niger affecterait les intérêts stratégiques de l’Algérie car les frontières sont plus qu’un marqueur matériel d’une limite territoriale, elles sont des lignes de souveraineté que la Nation a chargé son armée de défendre. Celle-ci a conscience qu’elle doit assurer seule la surveillance et la protection de cette ligne de front qui se prolonge jusqu’aux confluences des frontières du sud-ouest de la Libye elle-même en guerre depuis 2011 après l’intervention d’une coalition occidentale », analyse l’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi dans une contribution rendue publique la semaine dernière. Sur le terrain, la situation se fige. Alors que la CDEAO est sur le point d’intervenir militairement, le chef de la junte au pouvoir à Niamey, Abdourrahmane Tiani, a mis en garde lors d’un discours télévisé samedi en début de soirée ses voisins qu’une « agression militaire » de son pays n’allait pas être « une promenade de santé ». Ses partisans sont sortis massivement, hier, dans les rues de Niamey pour dénoncer les interventions étrangères et affirmer leur soutien au régime militaire qui se met en place. Pis, ils ont dénoncé l’embargo imposé par des puissances occidentales et les pays de la CDEAO sur « le peuple nigérien ». Une situation qui n’est pas du goût de l’ONU qui a également demandé à ce que les sanctions soient levées pour permettre au peuple nigérien d’accéder aux denrées alimentaires, à l’électricité et aux carburants qui ont manqué ces derniers jours à cause de ces mesures.
Akli Ouali
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