Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, dénonce la « légèreté » et la « lecture révisionniste » de la justice suisse qui a engagé, depuis le 28 août dernier, des poursuites contre l’ancien ministre de la Défense et général à la retraite, Khaled Nezzar. Le chef de la diplomatie algérienne, indique un communiqué du ministère des affaires étrangères, a exprimé la réaction officielle concernant cette affaire à l’occasion de son entretien téléphonique, jeudi dernier, avec son homologue suisse, Ignazio Cassis. Ahmed Attaf, lit-on dans le même communiqué, souligne « trois données principales en réaction aux propos de son homologue faisant part de la position du gouvernement helvétique à l’égard de cette affaire ». «La première donnée : que l’indépendance de la justice ne justifie pas l’irresponsabilité et qu’un système judiciaire quel qu’il soit s’arroge le droit absolu pour juger des politiques d’un Etat souverain et indépendant », explique le ministre. Selon lui, « depuis le début de cette affaire, l’Algérie a eu la conviction, et que cette conviction n’a fait que se raffermir avec le temps, que la justice suisse a offert avec beaucoup de légèreté une tribune aux terroristes, à leurs alliés et à leurs soutiens pour tenter de discréditer le combat honorable de notre pays contre le terrorisme, de jeter l’opprobre sur ceux qui lui ont fait face et de souiller la mémoire de ceux qui sont tombés en lui résistant ». Poursuivant, Ahmed Attaf déplore le fait « qu’avec la même légèreté, la justice suisse procède à une lecture révisionniste de l’histoire de notre pays durant les années 90 ». « Elle procède par des accusations outrancières et infondées, par des comparaisons hasardeuses et inappropriées et par des falsifications si flagrantes qu’elles se discréditent elles-mêmes », dénonce-t-il.
« Procès de l’Algérie »
Sur le fond, ajoute le document, le ministre des affaires étrangères rappelle que « la communauté internationale dans son ensemble reconnaît le combat héroïque et solitaire mené par l’Algérie contre le terrorisme durant les années 90, et que le rôle de notre pays et son expérience en la matière étaient largement appuyés et sollicités aux niveaux régional et international ». «A cet égard, Monsieur le Ministre a rappelé que l’Algérie est le pays-champion au niveau de l’Union Africaine pour la prévention et la lutte contre le terrorisme, que notre pays s’apprête, dans le cadre de sa mandature au Conseil de Sécurité, à assumer la présidence de deux Comités subsidiaires du Conseil sur la thématique du terrorisme, et que l’Algérie co-présidera prochainement avec les Etats-Unis d’Amérique une Conférence sur la lutte contre le terrorisme en Afrique. Il a particulièrement indiqué qu’il semble que la planète entière reconnaît que l’Algérie luttait contre le terrorisme, à l’exception de la justice helvétique », indique-t-il. Sur la base de ces données, Ahmed Attaf, souligne le même document, « a déploré cette lecture révisionniste, par la justice suisse, de la bravoure du combat solitaire que l’Algérie a mené contre le terrorisme ». « Il a relevé le caractère singulier de la situation actuelle, dans la mesure où il est permis à une organisation d’anciens terroristes et à leurs alliés d’utiliser la justice suisse pour faire le procès de l’Etat algérien. Il a souligné, enfin, que l’Algérie trouve inadmissible que la justice suisse s’arroge le droit de porter un jugement sur les choix politiques d’un Etat souverain et indépendant en matière de sécurité nationale », ajoute la même source. « (…) Cette affaire a atteint les limites de l’inadmissible et de l’intolérable et que le Gouvernement algérien est déterminé à en tirer toutes les conséquences, y compris celles qui sont loin d’être souhaitables pour l’avenir des relations algéro-suisses. Il a formé le vœu que tout soit entrepris pour éviter que cette affaire n’entraine les relations entre l’Algérie et la Suisse sur la voie de l’indésirable et de l’irréparable », explique la même source. Pour rappel, le Ministère public suisse a transmis, le 28 août dernier, un acte d’accusation contre Khaled Nezzar au Tribunal pénal fédéral (TPF). Selon plusieurs médias étrangers ayant diffusé l’information, l’ancien ministre de la Défense nationale est « accusé de crimes de guerre » en lien avec la décennie noire en Algérie.
La réaction de la défense
La défense du général à la retraite a réagi, mercredi dernier, dans un long communiqué, affirmant que l’homme «conteste fermement avoir commis, ordonné, orchestré, prêté assistance ou même toléré des actions pouvant relever de la qualification de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ». « Le général Khaled Nezzar s’est toujours opposé, en particulier, à la torture qu’il n’a pas hésité à condamner publiquement dans les années 1990 déjà », souligne ses avocats, précisant que « l’instruction de la procédure visant le général Khaled Nezzar s’inscrit dès l’origine dans un contexte éminemment politique ». « Les plaignants revendiquent tous leur engagement islamiste d’alors comme d’aujourd’hui. Le général Khaled Nezzar incarne, quant à lui, le refus du projet politique islamiste extrémiste. La douloureuse histoire de la décennie noire algérienne est aujourd’hui encore au cœur d’une véritable bataille idéologique et mémorielle », précise le communiqué, rappelant le déroulement de l’instruction de cette affaire qui a duré près de douze ans. «Au terme d’une instruction d’une durée exceptionnelle, le dossier de l’accusation comporte donc de nombreuses carences. Il est marqué par des violations répétées du droit d’être entendu du prévenu, en particulier le refus presque systématique des actes d’instruction sollicités à décharge. Ces violations ne manqueront pas d’être soulevées à titre préjudiciel devant l’autorité de jugement, avant même que le fond du dossier ne soit abordé. En tout état, le dossier ne permet pas d’établir ni que le général Khaled Nezzar ait ordonné ou prêté assistance aux exactions retenues à son encontre, ni même qu’il en ait été informé et se soit abstenu d’agir pour les empêcher », précise les avocats.
Samir Rabah
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