Plus de cinq ans après sa réalisation, le film « Larbi Ben M’hidi » ne voit toujours pas le jour. Son réalisateur, Bachir Derrais, lance un cri d’alarme. Initialement, la diffusion du film est bloquée par le ministère des Moudjahidine, pour des scènes qu’il juge « attentatoires » à la révolution. Le biopic de Bachir Derrais a finalement reçu l’assentiment des autorités en décembre 2022. A l’époque, la ministre de la Culture, Soraya Mouloudji, avait reçu le réalisateur pour « planifier » les derniers points qui restaient en suspens. En gros, le film était accepté tel qu’il était, parce que Derrais avait refusé de « céder sur l’essentiel ». Certaines scènes jugées « non conformes aux traditions », sont ainsi maintenues et les dialogues maintenus. Seules certaines scènes, jugées légères, ont été supprimées sans que le fond de l’œuvre ne soit touché. Le ministère des Moudjahidine avait même diffusé un communiqué, le 14 décembre 2022, indiquant que le film était « autorisé ». Il restait donc au ministère de la Culture et au réalisateur d’élaborer un plan de travail, un planning de distribution, ainsi qu’un plan média. Même la date et la salle de projection de l’avant-première nationale ont été choisies. Puis, dix mois après, « rien ». « Après dix mois d’attente, le film est toujours interdit, et ce ministère –des Moudjahidine- refuse toujours de signer les papiers nécessaires pour l’exploitation en Algérie et à l’étranger », écrit le réalisateur sur sa page Facebook. Le cinéaste se désole que le film soit privé « d’inscription dans tous les festivals de cette année et dont les délais sont tous expirés. Et le grand public en Algérie ou à l’étranger ne risque pas de le regarder, au moins pour les six mois à venir ». Et de s’interroger : « Pourquoi le film est-il toujours censuré, malgré les procès-verbaux positifs de toutes les commissions de visionnage et des historiens, que le ministre des Moudjahidine lui-même avait désignés pour visionner le film ? Et qui lui a ordonné de l’interdire à nouveau, car lors d’une discussion autour d’un dîner à l’hôtel Aurassi, le 10 décembre 2022, lui-même ne comprenait pas pourquoi ce film est bloqué pendant quatre ans ? ». Long métrage tourné en Algérie et en Tunisie, le biopic sur Larbi Ben M’hidi est atypique : contrairement aux autres films historiques, celui de Bachir Derrais raconte l’histoire du dirigeant de la révolution sous son aspect « humain ». Il s’agit d’une histoire d’amour de Larbi, jeune. On voit l’homme sous un autre angle, celui d’un jeune jouant au théâtre et vivant sa jeunesse comme ses congénères. Les scènes de Ben M’hidi militant ne sont là que pour agrémenter la vie d’une des figures marquantes de la lutte pour l’indépendance. C’est visiblement cet angle qui dérange certains responsables du ministère des Moudjahidines qui ne « conçoivent un film sur une figure historique que s’il ne comporte pas de scènes de violence ».
Akli Ouali
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