A quelle logique économique répond le marché noir de la devise en Algérie ? Cette question a été posée aux experts en finances, mais aucun de ces spécialistes n’est arrivé, jusqu’à présent, à expliquer à l’opinion publique les mécanismes et les ressorts d’une activité qui n’est illégale qu’en théorie. Durant les dernières 24 heures, l’euro a enregistré une flambée inédite, au niveau du square Port Saïd, principale plaque tournante du changeparallèle de devises, où 100 euros s’échangent désormais contre 22.700 dinars à l’achat et 22.900 dinars à la vente. En l’espace de quelques jours seulement, la monnaie européenne commune a enregistré une hausse spectaculaire. Est-ce sous l’effet de la loi de l’offre et de la demande ? Peu importe la réponse à cette question, il faut admettre que la monnaie nationale est en souffrance depuis de nombreuses années et cela s’est accentué ces derniers mois. La situation est devenue infernale, donnant l’impression qu’elle échappe à tout contrôle. Pour rappel, le 1er aout 2022, un seul Euro s’échangeait au marché parallèle contre 208 dinars à la vente et 210 dinars à l’achat. Une fois encore, le marché noir de la devise vient de démontrer qu’il entretient ses propres rapports, indépendamment des autorités financières. Quelles sont les raisons, qui se trouvent derrière cette flambée des devises au niveau du marché parallèle ? Des économistes lient cette flambée aux détenteurs de capitaux circulant en dehors du circuit bancaire, qui afin d’échapper à d’éventuelles mesures coercitives, se ruent sur le marché parallèle pour convertir leurs dinars en devises. En février dernier, Abdelmadjid Tebboune avait adressé une sévère mise en garde aux barons de l’informel, qui refusent toujours de répondre à l’appel les exhortant à contribuer à la relance économique du pays. Selon le président de l’association de protection des consommateurs, qui s’est déjà exprimé auparavant à ce sujet, « cette ruée sur le marché parallèle de la devise n’a pas lieu d’être, car les barons de l’économie informelle ont reçu toutes les garanties nécessaires pour la régulation de leurs fonds ». Les pouvoirs publics vont-ils laisser faire, pénalisant des milliers de citoyens, obligés de recourir au marché parallèle de la devise pour pouvoir acheter des médicaments essentiels à l’étranger ? Ces barons, contrôlant annuellement le mouvement de centaines de milliards, sont-ils si puissants qu’ils puissent défier l’autorité de l’État ? Si les garanties données par le président de la République ne semblent pas les avoir convaincus, l’État est donc dans l’obligation d’agir pour mettre un terme à cette situation anachronique, en accélérant la concrétisation de ce vieux projet, consistant à ouvrir des bureaux de change réglementaires, à titre d’exemple. Il y’a plus de trois ans, en juillet 2020 plus exactement, alors qu’il occupait le poste de ministre des Finances dans le gouvernement Djerad, Aymen Benabderrahmane avait déclaré que les pouvoirs publics étaient déterminés à tout mettre en œuvre pour éradiquer le marché parallèle de la devise. Il avait indiqué que son département, en collaboration avec d’autres institutions, était déjà à pied d’œuvre pour l’élaboration d’une batterie de mesures à cet effet. Il s’agit aujourd’hui d’une urgence, afin de préserver les équilibres économiques du pays.
Mohamed Mebarki
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