« Nice day » est le seul et unique groupe musical de Biskra perpétuant le Gnaoua, une musique confrérique soufie associée à des paroles à caractère religieux invoquant les ancêtres, les esprits et les turpitudes des relations humaines et dont les origines remontent au XVIe siècle, au plus fort de l’époque de l’esclavage et de la traite négrière. Malgré un environnement défavorable à ce genre de musique savante et académique qui semble éclipsée et noyée en Algérie par un tsunami de rai et de tubes de la world music, cette formation de chantres passionnés de Gnaoua peaufine son talent chaque soir au sous-sol de la maison de la culture Ahmed Rédha Houhou, en attendant des propositions de travail qui ne viennent pas depuis des années, a-t-on appris. Composé de cinq membres inamovibles qui sont Djamel Barka, batteur, luthiste et joueur de guembri, Mourad Benaissa, claviste, DjaffarBouafia, guitariste, Hani Hamidi, bassiste, et Anis Soudani, percussionniste adepte de crotales manuels, ce groupe participe inlassablement aux répétitions et ceci « en dépit de la propagation de la Covid-19 en 2020 et du découragement nous imprégnant souvent », confient-ils. Ce ressentiment est suscité par la situation délicate et précaire qu’ils endurent du fait de leur passion pour une musique d’initiés se faisant de plus en plus rares « car il n’y a plus de festivals, de soirées et de rencontres musicales dédiées au Gnaoua et à la musique en général », estiment-ils. « Nous sommes le seul groupe de Gnaoua mais malheureusement, nous sommes oubliés et victimes du marasme culturel, touchant particulièrement les groupes musicaux de Biskra qui disparaissent les uns après les autres dans un horrible anonymat. Je crains que notre sort ne soit scellé. Nous n’arrivons plus à trouver des instrumentistes pour les instruments à vent. Les musiciens préfèrent se tourner vers l’animation des mariages et des cabarets que de pratiquer une musique codifiée et ancestrale. Nous n’avons pas travaillé depuis des années. La direction de la Culture de Biskra envoie des groupes de musiques venus de nulle part au lieu de faire appel à nous, ne serait-ce que dans le cadre des échanges entre les wilayas ou les semaines culturelles organisées ça et là. Le théâtre de plein-air de Biskra est un cimetière. Les salles de spectacle sont fermées. Les musiciens présents sont exclus et marginalisés. Nous sommes à bout de souffle et bientôt, il faudra dissoudre ce groupe si les conditions ne changent pas pour pouvoir vivre de notre art dans notre ville et notre pays », a déploré Djamel Barka, leader de « Nice Day ». Pour rappel, le Gnaoua se rapporte à un ensemble de compositions musicales, de performances, de pratiques confrériques et de rituels à vocations thérapeutiques et incantatoires. Mêlant profane et sacré en un sublime syncrétisme culturel, il a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2019. Il serait dommage pour la reine des Ziban de perdre un pan de son identité multiethnique cristallisée par l’existence de ce groupe de Gnaoua, dont la tonalité et le rythme mettaient les mélomanes dans un état de transe et de plaisir indescriptibles lors de mémorables fêtes, se rappelle-t-on.
Hafedh M.
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