L’Établissement Public Hospitalier (EPH) docteur Okbi de Guelma est souvent l’objet de critiques. Dans un souci d’objectivité, nous avons jugé utile de nous déplacer pour constater de visu l’état des lieux et recueillir les témoignages des patients, du corps médical et paramédical, des agents de sécurité et du directeur de cet hôpital. Ce vaste bâtiment de quatre étages, abritant de nombreux services et implanté dans un quartier périphérique du chef-lieu de wilaya, est entré en fonction en 1984. Il était censé couvrir les besoins de la wilaya de Guelma car l’ancien hôpital intra-muros Ibn-Zohr, édifié durant l’époque coloniale, était conçu pour un chef-lieu de daïra. Les pouvoirs publics avaient décidé de construire un hôpital de 240 lits, à la grande satisfaction de la population. Au fil des ans, les prestations ont périclité : hygiène déplorable, services des consultations médicales et des urgences saturés, équipements souvent en panne, impossibilité de subir une intervention chirurgicale dans des délais raisonnables, mauvais accueil et tant d’autres insuffisances. Les directeurs successifs ont été démis de leurs fonctions ou mutés dans d’autres wilayas du territoire national par leur tutelle pour incompétence et diverses autres raisons. Les directeurs de la Santé avaient subi le même sort et les visites de travail et d’inspection des ministres de la Santé, qui avaient proposé des solutions, n’avaient apporté aucune amélioration. Des visites inopinées des walis au sein de cet hôpital dans le souci de le remettre sur rails avaient permis d’éliminer quelques points noirs, mais le mal persistait.
Deux patients par lit, d’autres à même le sol !
Durant les journées de vendredi 22 et samedi 23 septembre, nous avons visité l’EPH docteur Okbi, qui recevait sans interruption des ambulances de la Protection civile transportant des victimes d’accidents de la route, du travail ou domestiques, des malades chroniques en état d’inconscience ou encore des véhicules particuliers ayant à bord des cas graves. Le pavillon des urgences était assiégé par une foule comprenant des patients et surtout des accompagnateurs qui exigeaient une prise en charge immédiate. Les médecins urgentistes s’attelaient à prendre en charge les cas graves. Le médecin-chef nous apprend que ce service ne dispose que de 18 lits et que c’est ce qui explique deux patients par lit, d’autres à même le sol et la colère des malades et de leurs accompagnateurs. Notre interlocuteur nous déclare : « Nous travaillons quotidiennement dans des conditions épouvantables. Nous subissons les reproches et parfois les insultes de certains énergumènes qui ne nous respectent aucunement. Nous n’avons pas de recette miracle pour soulager la misère humaine dans de telles situations ». Le service des consultations médicalessisà l’entrée du corridor, fonctionnant 24 heures sur 24 et où exercent deux docteures, est systématiquement « harcelé » par des dizaines de personnes qui exigent la priorité. L’agent de sécurité est malmené par des intrus qui n’hésitent pas à investir le cabinet médical et à menacer la jeune doctoresse qui ne sait à quel saint se vouer. Nous apprenons que des agressions ont été subies par le personnel, les agents de sécurité et même des policiers en uniforme. Le service de radiologie ne désemplit pas à longueur de journée. Le responsable nous explique : « La limite maximale du scanner est prévue pour 25 patients par jour et face à la demande croissante, nous prenons en charge environ 200 malades. Cet équipement médical, du reste onéreux, est voué à l’usure. Les sociétés de maintenance sises hors wilaya sont sollicitées pour réparer l’imagerie médicale et elles interviennent dans un délai de deux à trois jours ». Des interventions chirurgicales reportées aux calendes grecques ont suscité un mécontentement général, comme l’attestent des témoignages. Un vieil homme souffrant de la vésicule biliaire attend son tour depuis plus d’une année. Une dame rencontrée dans les couloirs de cet hôpital nous confie : « Est-il logique d’attendre quatorze mois pour prétendre à l’ablation de la prostate de mon époux qui souffre énormément ? ». Nous nous sommes rapprochés de deux chirurgiens qui nous ont expliqué : « Le bloc opératoire comprend cinq salles dont deux sont réservées aux urgences, une aux interventions ophtalmologiques et les deux dernières à huit spécialités. En conséquence, chaque spécialiste ne peut opérer que quelques patients chaque mois ».
Le directeur se dit « prêt à relever le défi »
Lundi 24 septembre, nous avons été reçus par le directeur, TouffikMellouk, qui a bien voulu répondre aux questions de notre journal : « Depuis mon installation, en avril 2022, à la tête de cet hôpital, je me démène pour apporter un correctif à sa gestion sachant qu’il totalise 105 médecins généralistes , 90 spécialistes , 400 paramédicaux et une pléiade d’agents de sécurité et d’administration. Un climat harmonieux et de confiance règne au sein de notre établissement et je m’efforce de répondre aux attentes de tout le monde. La gratuité des actes médicaux a encouragé les citoyens à recourir au secteur public même pour des bobos et à exiger un scanner, une intervention chirurgicale immédiate et des soins personnalisés. Je viens de lancer la formation multisectorielle. J’ai généralisé la numérisation qui a accéléré et simplifié les procédures entre les généralistes et les spécialistes dans l’intérêt des patients ». Et d’ajouter : « Il est primordial de construire un second hôpital de 240 lits car l’actuel est saturé. Le budget de fonctionnement doit être relevé car 2,5 milliards (25 millions de dinars, ndlr) par an sont insuffisants pour acquérir des équipements médicaux indispensables. D’autre part, la réception du nouveau bloc des urgences nous soulagera et j’ose espérer qu’elle ne tardera pas. La wali et le directeur de la Santé m’ont accordé leur appui et leur confiance et je suis déterminé à relever le défi ». De toute évidence, TouffikMellouk est un commis de l’Etat dévoué et compétent qui s’illustre pour sa disponibilité, son sens du dialogue et son désir d’assainir le climat ambiant qui règne depuis des lustres dans cet établissement hospitalier.
Hamid Baali
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