La hausse vertigineuse des prix du poulet a suscité une vive réaction au ministère de l’Agriculture. Le ministre, Abdelhafid Henni, a ordonné des mesures urgentes pour faire face à cette flambée qu’il qualifie d’« injustifiée ». « Suite à la flambée injustifiée des prix des viandes blanches ces dernières 24 heures, malgré une abondante production, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhafid Henni, a convoqué en urgence, au siège du ministère, tous les intervenants dans cette filière, notamment l’Office national des aliments de bétail (ONAB), la Société algérienne de régulation des produits agricoles (SARPA), la Société Entrepôts Frigorifiques de la Méditerranée (Frigomedit), des représentants de l’Association nationale des éleveurs de volaille (ANEV), relevant de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) et des éleveurs privés, en présence d’un représentant du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations », a indiqué un communiqué du ministère. Selon ce document, des décisions ont été prises à l’issue de cette réunion, pour tenter de remédier à cette situation. Parmi les mesures, il a été décidé d’œuvrer à l’augmentation des capacités de production, à travers l’approvisionnement du marché en produits locaux et la réduction des délais d’approvisionnement du marché en viandes blanches importées. Selon la même source, il a également été décidé de lancer des enquêtes par les services vétérinaires, d’accélérer la cadence de mise à disposition des intrants (aliments pour volailles, NDLR) au profit des petits éleveurs, contre la présentation de l’agrément sanitaire uniquement, délivré par les services vétérinaires de la wilaya et de communiquer les prix (le plus bas au niveau du marché national) des aliments commercialisés par l’ONAB, des prix fermes à longueur d’année. Toujours pour tenter d’atténuer cette flambée, marquée par une forte hausse des prix du poulet, qui a dépassé la barre des 600 dinars le kilo, il a été décidé de communiquer le prix de l’unité du poussin de chair, fixé à 120 dinars l’unité, selon la même source. La vente reste libre, grâce au système de traçabilité des éleveurs et les coopératives d’élevage avicoles. Par ailleurs, il a été décidé de tenir des concertations avec les représentants de la Fédération nationale des aviculteurs, en vue de parvenir à une convention de branche dans les meilleurs délais, dans l’objectif de fixer le modèle d’organisation et une gestion idoine de la filière, afin de garantir la stabilité des prix au niveau du marché. « Ces concertations concerneront l’ensemble des intervenants dans la filière, parmi les producteurs des aliments, éleveurs, abattoirs, coopératives, établissements et organismes », souligne le communiqué. Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a en outre annoncé « la mobilisation de toutes les inspections vétérinaires réparties au niveau national, pour mener les enquêtes et procéder à l’évaluation sur le terrain, de toutes les unités avicoles, de l’état des abattoirs avicoles à travers l’ensemble des wilayas du pays, et ce, à partir de lundi 20 (hier, NDLR) novembre 2023 ».
Samir Rabah
Spirale infernale
H. Khellifi
La majorité des volaillers d’Alger ont affiché le poulet à 850 dinars le kilo hier lundi. Oui, vous avez bien lu, 850 dinars le kilo, vous n’avez pas la berlue ! En moins d’une année, les prix sont passés du simple au double, voire plus. Ce que les économistes appellent une inflation à trois chiffres. C’est d’autant plus irrationnel que la production nationale est abondante, martèle le ministre de l’Agriculture. Inédit et surtout alarmant comme situation, étant donné que les viandes blanches demeuraient jusque-là l’ultime l’alternative pour les petites bourses, qui n’ont plus les moyens de visiter le boucher du coin pour acheter de la viande rouge, qui est depuis déjà assez longtemps hors de portée de la majorité des ménages. Et que dire alors du poisson ! Une telle hausse du prix du poulet a déclenché l’alerte rouge au ministère de l’Agriculture, qui a décidé de tenir une réunion d’urgence avec tous les acteurs des filières, à savoir ONAB, SARPA, FRIGMEDIT, et NPA. D’abord pour tenter de comprendre le mécanisme sous-jacent de cette envolée délirante, et ensuite prendre des mesures urgentes (sept en tout) pour ramener les tarifs à la normale. Pourtant, ce qui s’est passé hier au ministère de l’Agriculture n’a rien de surprenant au demeurant, c’est juste la répétition d’un scénario connu, qui s’est déjà joué dans d’autres ministères de la République. En particulier celui du Commerce, qui fait face à la pénurie et à la hausse des prix des légumineuses, notamment les pois chiches, les haricots, les petits pois, les lentilles et autres légumes secs qui ont subitement disparu des étagères, pour revenir avec de nouvelles tarifications qui donnent le tournis. Appelé à la rescousse pour remplacer Kamel Rezig, le nouveau ministre du Commerce, Tayeb Zitouni, fort de son expérience d’ancien directeur de la Safex, s’est attelé à déployer sa stratégie. Renforcement des rotations des brigades pour des contrôles inopinés, changement en profondeur des cadres du Commerce aux niveaux central et local et réunions quotidiennes avec les inspecteurs du Commerce. Le tout accompagné d’un retour des importations massives de légumineuses, pour stabiliser le marché. Mais pour combien de temps ? C’est là la vraie question. Le marché des produits de large consommation s’étant installé depuis déjà assez longtemps dans un cycle infernal de pénuries-inflations, que les gouvernements successifs ne parviennent pas à briser, malgré toute la volonté et toute la fermeté (allant jusqu’à l’emprisonnement) par les autorités. C’est pourtant l’un des défis cruciaux et urgents que le nouveau Premier ministre, Nadir Larbaoui doit prendre à bras le corps, afin de détendre le marché des produits de large consommation. Si le défi est majeur, l’enjeu l’est encore plus, l’échéance des présidentielles se profilant à l’horizon. Après avoir dressé au préalable le bilan des actions de chaque ministère pour stopper la spirale inflationniste et « pénuriste », le Premier ministre devrait opter pour une approche plus globale et plus systémique, avec la mise en place d’une nouvelle politique des prix. Il n’y a pas de raison que le soutien de l’État aux couches fragile de la société, réitérée d’ailleurs par le président Tebboune lors de son discours devant les entrepreneurs, soit détourné par des mains agissant dans l’ombre pour dysfonctionner les circuits commerciaux.
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