Une liste des médecins praticiens étrangers ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances, organisées au titre de la session 2023 pour exercer en France, a été publiée mercredi dernier. Comme il fallait s’y attendre, la nouvelle liste contient un nombre important de praticiens algériens. L’alerte, il s’agit bien d’une alerte, a été donnée par le docteur Lyes Merabet, connu pour son activisme au sein du Syndicat National des Praticiens de la Santé Publique (SNPSP). Et ce n’est ni la première, ni la deuxième, ni même la troisième fois qu’il intervient, pour mettre en garde contre un phénomène aux lourdes conséquences. Pour lui, comme pour de nombreux Algériens, il s’agit d’une véritable saignée, une hémorragie dont sont victimes en premier lieu les établissements de santé du secteur public, qui se trouvent selon lui doublement pénalisés par les départs massifs à l’étranger, notamment en France, ou vers le secteur privé algérien. Quant aux causes de cet exode, Merabet en énumère quelques-unes, à commencer par les faibles salaires, l’inefficacité du service civil, le statut dégradant du praticien généraliste, dans un système de santé orienté d’une manière anarchique et non justifiée vers la spécialité, tant par rapport aux besoins, que la prise en charge et le suivi. Il y a plus d’une année, il avait déjà brossé une situation inquiétante. « Dans beaucoup d’établissements à l’échelle nationale, nous avons un manque en matière de couverture, parce qu’il y a un déficit en médecins généralistes », avait-il regretté. « À titre d’exemple, plus de 25 % des spécialistes sont installés dans la wilaya d’Alger, qui compte à peine 10 % de la population du pays. Pas moins de 80 % des gynécologues travaillent dans le secteur privé, alors que 80 % des actes médicaux liés à la grossesse se font dans le public », avait-il constaté. Mais pourquoi l’Algérie peine-t-elle à garder ses médecins ? Le pays manque-t-il de moyens pour mettre un terme à cet « exode » ? En février 2022, environ 1.200 médecins algériens, de différentes spécialités, avaient été autorisés à exercer en France après avoir participé aux Épreuves de Vérification des Connaissances (EVC), organisées annuellement par une structure publique sous tutelle du ministre français chargé de la Santé. Le docteur Mohamed Bekkat Berkani s’était alarmé à propos de ces départs massifs de médecins radiologues, néphrologues, anesthésistes-réanimateurs et psychiatres, tous formés en Algérie, sachant que le nombre de demandes déposées par les médecins spécialistes désirant s’expatrier ne cesse d’augmenter d’année en année. Celui-ci avait même évoqué une « hémorragie cataclysmique ». Il est à rappeler que l’exode des médecins algériens, que la France exploite pour combler ses déserts médicaux, avait pris une tournure alarmante dès 2018, en plein mouvement de contestation des médecins résidents. Au moment où toutes les portes du dialogue leur ont été fermées, l’une après l’autre, la France, comme par le plus grand des hasards, leur ouvre ses portes, modifiant par décret son code de santé publique et y introduisant de nouvelles facilités pour les médecins étrangers qui souhaitent exercer à l’hexagone. Dans un entretien paru avant-hier jeudi sur TSA, le docteur Mohamed Bekkat Berkani a estimé que l’Algérie est devenue un pays « exportateur de médecins vers les pays européens, notamment en France ». « Comme dans un marché à ciel ouvert, la France attire de plus en plus de médecins maghrébins dont les Algériens. Des examens sont régulièrement organisés par les autorités françaises pour accueillir et intégrer des milliers de médecins maghrébins et majoritairement algériens, dans toutes les spécialités du système médical français », souligne-t-il. « En Algérie, il y a incontestablement un malaise dans la profession médicale dû aux conditions socio-économiques difficiles qui poussent de plus en plus de jeunes médecins à s’exiler en France », déplore-t-il. Et la solution ? « Nos médecins ont besoin d’une visibilité sur leur carrière professionnelle », estime Bekkat Berkani. « Il faut dialoguer avec nos jeunes collègues qui ont l’impression d’avoir été abandonnés et de n’avoir pas reçu d’écoute de la part des autorités. Il faut absolument rétablir le dialogue », préconise-t-il en proposant « un alignement des salaires des médecins du secteur public avec la grille de rémunération des cadres de Sonatrach, tout en instaurant des contrats de performance ».
Mohamed Mebarki
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