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Pneumologue-allergologue au pôle pédiatrique du CHU de Sétif : Meriem Benghazi : « Le virus bronchique est une maladie courante »

Lauréate du premier prix au congrès international de pneumologie-allergologie-pédiatrique, tenu à Paris du 17 au 19 novembre, la spécialiste fait partie de la nouvelle génération de jeunes professeurs de médecine formés en Algérie, où la post-graduation médicale est de qualité. Pr Meriem Belghazi, spécialiste en pneumologie-allergologie pédiatrique, au pôle pédiatrique du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Sétif, a bien voulu parler à L’EST Républicain de sa distinction et du virus bronchique, touchant ces derniers temps les enfants de moins de cinq ans…

L’est Républicain : Votre participation au dernier Congrès international de Pneumologie-Allergologie-Pédiatrique (CPAP) tenu à Paris du 17 au 19 novembre dernier a été ponctuée par le premier prix de la communication orale. Pourriez-vous nous parler de cette distinction ?

Pr Meriem Belghazi : La société de Pneumologie Pédiatrique et d’Allergologie (SP2A) est une société savante internationale qui organise chaque année son congrès de pneumo-allergologie pédiatrique à Paris (France). Cette rencontre rassemble des sommités dans la pneumo6allergologie pédiatrique. Ce rendez-vous est l’espace idoine pour partager les expériences et discuter des mises à jour et des actualités dudomaine. Une session est réservée aux communications orales durant l’évènement, ciblant les nouveaux travaux derecherche, et j’ai eu l’honneur d’être acceptée avec sept autres orateurs français (de Paris, Nice, Lille, Levallois-Perret). L’originalité du travail effectué et les résultats obtenus ont convaincu le jury. Décrocher le premier prix de la meilleure communication orale dans un congrès aussi relevéest un point positif pour la recherche médicale en Algérie. J’en suis fière. Le thème choisi pour ce congrès constitue d’ailleurs unepartie de ma thèse pour l’obtention de mondoctorat en Sciences médicales, proposée et dirigée (la thèse s’entend) parPrBioud, médecin chef du service de pédiatrie au pôle pédiatrique du CHU de Sétif, qui ne ménage aucun effort pour offrir à ses élèves la meilleure formation. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour lui exprimer toute ma reconnaissance et ma gratitude. 

L’est Républicain : De votre point de vue, cette distinction démontre-t-elle que la formation médicale en Algérie est de qualité ?

Pr M. B. : Dépasser sept candidats, de surcroit français, n’est pas une mince affaire. Cette distinction est significative. Elle démontre effectivement que la formation médicale en Algérie est de qualité. Nos maitres, qui ont été à bonne école perpétuent la tradition. La compétence et la rigueur de nos enseignants, très exigeants pendant notre résidanat, ont boosté notre formation, où les services de différentes spécialités sont d’excellents terrains de stage. Les performances des praticiens du pôle pédiatrique de Sétif, où le Pr Bioud a développé divers créneaux, notamment pour les maladies rares, sont un exemple parfait de la qualité de la formation dispensée.

L’est Républicain : « le contrôle de l’asthme chez l’enfant et l’adolescent, quels retentissements sur sa qualité de vie et celle de ses parents ? » est le premier travail en Algérie ? Peut-on avoir une idée sur la particularité de ce travail ?

Pr M. B. : De nos jours, notre souci est de permettre à nos patients asthmatiques de mener une vie meilleure et d’améliorer la qualité de leur quotidien, jour après jour. Il convient, en plus de l’évaluation du niveau de contrôle du patient asthmatique, de mesurer sa qualité de vie ainsi que celle de ses parents. En Algérie, aucun travail n’a été consacré à ce sujet, et nous avons jugé nécessaire l’étude de la qualité de vie selon le contrôle de l’asthme de l’enfant et de l’adolescent. Il s’agit d’une étude épidémiologique prospective monocentrique, portant sur 164 enfants et adolescents asthmatiques, âgés de 7 à 16 ans. Les inclusions ont été réalisées dans le service de pédiatrie du CHU de Sétif, au sein de la consultation dédiée à l’asthme. La période d’étude était de deux ans, avec un suivi de six mois, au cours de laquelle nous avons évalué le niveau de contrôle de nos patients asthmatiques et leur qualité de vie, selon le « Pediatric Asthma Quality of Life Questionnaire » (PAQLQ) (questionnaire de qualité de vie de l’enfant asthmatique, NDLR), créé par Elizabeth Juniper, pionnière dans le domaine. Enfin, nous avons également évalué la qualité de vie des parents, à travers le « Pediatric Asthma Caregiver Quality of Life Questionnaire » (PACQLQ) (questionnaire de qualité de vie des aidants familiaux, NDLR).

L’est Républicain : Quels sont les principales difficultés rencontrées pendant la période des travaux ?

Pr M. B. : Des perturbations liées à la pandémie de la Covid-19 nous ont fait perdre une partie de nos patients. Nous avions un biais de sélection type « perdus de vue », qui n’a pas excédé les 3,65 % de la population étudiée à l’entrevue. La limite de notre étude est le fait qu’elle soit monocentrique et les résultats sont difficilement extrapolables à d’autres régions du pays, pour lesquelles d’autres études s’avèrent nécessaires.

L’est Républicain : Quels sont les objectifs assignés à ce travail et les résultats obtenus ?

Pr M. B. : Notre objectif principal était d’évaluer la qualité de vie de nos enfants et adolescents asthmatiques, ainsi que celle de leurs parents, selon le niveau de contrôle de leur asthme. Nous avons pu retrouver pour l’évolution du degré de contrôle d’asthme chez nos patients, que le pourcentage d’asthme bien contrôlé a pratiquement doublé au bout de six mois de suivi, pour atteindre 80.4 %, avec une chute de trois quarts de l’asthme mal contrôlé (2.5 %). Quant à la qualité de vie de nos patients, nous sommes arrivés au sixième mois de suivi à une absence totale de déficience au score global du PAQLQ dans 86 % des cas et à 0 % de déficience grave, dès le troisième mois de suivi effectué de manière rigoureuse. Il en est de même pour la qualité de vie des parents d’enfants asthmatiques, avec 66.5 % d’absence de déficience au sixième mois et de 0 % de déficience grave avec un p significatif. La corrélation entre la qualité de vie des enfants asthmatiques, celle de leurs parents, et le degré de contrôle d’asthme était modérément significative, avec un coefficient de détermination de 0.54 et de 0.40 respectivement. Nous avons trouvé que la qualité de vie des enfants et adolescents asthmatiques et celle de leurs parents dépendent effectivement du niveau de contrôle de l’asthme et que l’amélioration du contrôle de l’asthme conduit à une amélioration de la qualité de vie. En fin de compte, la connaissance du niveau de contrôle de l’asthme en tant que corrélat de la qualité de vie de l’enfant permettrait de mettre en place des interventions efficaces, pour prévenir les détériorations de la qualité de vie chez les enfants et leurs parents.

L’est Républicain : Ces derniers temps les enfants de moins de cinq ans sont touchés par un nouveau « virus bronchique » qu’en est-il au juste ?

Pr M. B. : La bronchiolite aiguë est une infection respiratoire touchant les bronchioles, due majoritairement au Virus Respiratoire Syncytial (VRS), touchant principalement les jeunes enfants lors d’épidémies saisonnières, surtout automno-hivernales.

L’est Républicain : Faut-il s’inquiéter de la hausse des cas d’enfants touchés par ce virus ?

Pr M. B. : Il s’agit d’une maladie très contagieuse et la virulence est variable d’une année à l’autre. Nous vivons depuis quelques semaines une véritable épidémie. Mais nous avons pris l’habitude de la gérer, au sein de notre unité des urgences pédiatriques, plus particulièrement en cette période de l’année.

L’est Républicain : Quels en sont, les causes, les symptômes et les premiers soins à prodiguer ?

Pr M. B. :C’est une maladie courante, causée le plus souvent par le VRS. Il s’agit d’un virus à ARN (Acide ribonucléique, NDLR), dont la survie est d’une heure et demie sur les mains et de sept heures sur les surfaces, expliquant ainsi sa propagation rapide. Tout commence par une simple rhinopharyngite, avec un écoulement nasal qui peut être accompagné d’une légère fièvre, puis progressivement la toux apparaît, pouvant être suivie d’une gêne respiratoire sifflante. Parfois, l’enfant à des difficultés pour manger et dormir et des troubles digestifs, type diarrhées et vomissements. Les premiers soins doivent être donnés à domicile et les parents doivent se montrer adhérents à l’éducation sanitaire recommandée lors de la consultation. Un lavage du nez au sérum physiologique est de mise, avec la lutte contre la fièvre en déshabillant l’enfant tout en assurant l’aération de la pièce, avant de passer aux médicaments contre la fièvre comme le paracétamol. La surveillance de la ration alimentaire journalière du nourrisson, qui ne doit pas baisser au deçà de 75 % de sa ration journalière habituelle afin d’éviter la déshydratation, fait également partie des mesures à prendre. Tout symptôme inquiétant doit inciter les parents à consulter en urgence. Dans la mesure où ce virus est très contagieux, il est recommandé de garder le nourrisson à la maison pendant toute la phase aiguë de la bronchiolite. Selon l’évolution de la maladie, le retour en collectivité est généralement possible au bout de sept à dix jours, après avis du médecin traitant.

L’est Républicain : Cette infection virale est-elle dangereuse ?

Pr M. B. : Dans la plupart des cas, l’évolution est bénigne et la guérison est obtenue au bout de 7 à 10jours, mais la toux peut persister pendant deux à trois semaines. Cependant, cette maladie peut provoquer des passages aux urgences pédiatriques chez les nourrissons et il est fortement recommandé de consulter en cas de symptômes.

L’est Républicain : Comment se propage-t-elle ?

Pr M. B. : La transmission peut se faire directement de personne à personne, par les sécrétions bronchiques (toux, éternuement, postillons, etc.) ou indirectement, via les mains ou des objets contaminés. Les grands enfants et les adultes porteurs du VRS ont habituellement peu ou pas de signes. Ainsi, beaucoup de personnes transportent le virus et sont contagieuses sans le savoir.

L’est Républicain : Cette inflammation des bronches nécessite-t-elle des antibiotiques, peut-elle entrainer une hospitalisation ?

Pr M. B. : Il s’agit d’une infection virale et l’antibiothérapie n’est de ce fait pas justifiée, sauf en cas de surinfection bactérienne, jugée sur une fièvre persistante et des anomalies clinico-radiologiques et biologiques. 2 à 3 % des nourrissons de moins d’un an sont hospitalisés chaque année pour une bronchiolite sévère et le décès n’est observé que dans moins de 1 % des cas.

L’est Républicain : La prévention est primordiale est donc primordiale ?

Pr M. B. : Absolument. L’allaitement maternel pendant au moins deux mois protégerait l’enfant contre les infections respiratoires, entre autres la bronchiolite aiguë.Une désobstruction nasale au sérum physiologique s’avère également nécessaire devant toute rhinopharyngite, afin d’éviter le passage à la bronchiolite. Ainsi, la promiscuité est à éviter, afin de limiter les sollicitations immunitaires répétées. Des mesures d’hygiène sont également recommandées, comme le lavage des mains pendant 30 secondes, avec de l’eau et du savon, avant et après contact avec l’enfant (change, tétée, repas, câlins, etc.), ou en utilisant une solution hydro alcoolique s’il n’est pas possible de se laver les mains. Les biberons, sucettes et couverts doivent être à usage personnel. La lutte contre le tabagisme passif est également un maillon principal dans la prévention, car il aggrave la maladie et favorise la rechute et le passage à l’asthme. Des thérapeutiques sont indiquées et utilisées actuellement à titre préventif outre-mer, afin de limiter la propagation du virus et la contamination des jeunes nourrissons qui seront, on l’espère bien, bientôt commercialisés en Algérie.

Entretien réalisé par Kamel Beniaiche

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