Il y a 29 ans, le 7 janvier 1995, cheikh Sadek Abdjaoui, un des ténors du Hawzi et de l’Andalou, tirait sa révérence, en laissant orphelins des milliers de mélomanes et de puristes en peine, autant à Bejaia qu’à travers tout le territoire national, notamment Alger, Blida et Tlemcen.
Il s’était éteint à l’âge de 87 ans, et jusqu’à son dernier souffle, l’artiste n’avait eu de cesse d’illuminer la musique classique algérienne et d’en être le porte-voix.
“Rares sont les artistes qui ont pratiqué autant de styles que lui, le classique andalou qu’il pratiqua en maître, le Hawzi, le Aâroubi, ou encore le kabyle ou le Madih (chant religieux), sans oublier l’écriture dramaturgique radiophonique et la composition musicale, entre autres.
Il est devenu une référence très recherchée par tous les mélomanes”, disait de lui, Abdelkader Bendamèche, chercheur en patrimoine populaire, le considérant comme une “figure de l’art musical algérien qui a marqué le XXe siècle”.
De son vrai nom, Bouyahia Sadek, le cheikh était venu très jeune à l’art musical, en allant pratiquer le chant et la poésie au sein des confréries religieuses de la ville de Bejaia, en l’occurrence la “Qadiria” et la “Taybiya”, au sein desquelles officiaient déjà d’authentiques musiciens dont El Hachemi Mahindad, Boualem Bouzouzou et Mahmoud Benhaddad, qui étaient déjà des virtuoses du luth.
C’est dans cette ambiance à la fois scolastique et musicale qu’il a baigné et qui lui a permis de se faire, de se parfaire, puis de se distinguer, aidé par sa voix naturelle de Ténor.
Et c’est en toute logique qu’il bascula, vers le Madih et l’Inkalabate, l’Andalou et les Qsayed, bien qu’alors, les maîtres n’étaient pas en possession de Noubas complètes.
Conforté par ses aptitudes, il constitua alors rapidement, à l’âge de 20 ans, sa première formation, se produisant essentiellement dans les fêtes familiales (mariages et circoncisions) et religieuses avant de rallier Alger en 1933.
Arrivé dans la capitale et grâce à l’aide de quelques maîtres qu’il avait rencontrés ou connus plus tôt à Bejaia, il a adhéré à la fameuse troupe “El-Mossilia” dirigée alors par Djabir Bensmaia et qui comptait déjà dans ses rangs cheikh Mahieddine Lakehal et cheikh Bouchaâra, qui l’ont pris rapidement sous leurs ailes et lui ont inculqué les secrets des noubas.
En 1934, le cheikh a entrepris un voyage à Tlemcen avec la troupe d’El-Mossilia qui, par un heureux hasard, lui a ouvert d’autres horizons en le mettant face à des maîtres de renom, notamment cheikh Larbi Bensari, qui lui a fait connaître les arcanes du Hawzi, de la “Sanâa” Tlemcenienne et du coup d’archer spécifique de l’alto, rapporte le mélomane et écrivain, le docteur Hadj Triki Yamani, dans un essai publié par “Andaloussiate” en janvier 2019, sous le titre “Cheikh Sadek Abjaoui: Itinéraire d’un maitre de musique andalouse du XXe siècle”.
En 1937, cheikh Sadek Abjaoui, au summum de son art et métier, rentra à Bejaia où il a poursuivi assidûment son œuvre, créant une multitude d’associations, mais qui ont rarement perduré, car elles faisaient souvent l’objet d’interdiction par l’administration coloniale qui les considérait comme des entités subversives. Il y créa, également, un nouvel orchestre et se mit à l’animation dans “Radio Bejaia”.
A l’indépendance, en 1963, il a créé le Conservatoire de musique de la ville qui lui a survécu jusqu’à aujourd’hui, et dont l’existence a permis de former des dizaines d’artistes talentueux et célèbres.
Djamel Allam, Allaoua Zerrouki, Youcef Abdjaoui, El Ghazi, H’sinou, Arezki Bouzid et tant d’autres en sont de ceux là, et dont la simple évocation de nom, titille la mémoire du cheikh et son fabuleux investissement, composé de plus de 200 œuvres dont l’essentiel à pour racine la nouba andalouse.
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