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Labo galénique de la faculté de médecine de Sétif : La face cachée d’une institution dénigrée

Travaillant loin des feux de la rampe et le plus souvent sans grands moyens, des compétences pur produit de l’université algérienne n’ayant pas voulu donner suite aux sirènes de la sphère nord et des pétrodollars, rendent d’innombrables services à une société à la fois injuste et ingrate. Faisant fi du sempiternel problème du logement et d’une solde modeste, les blouses blanches du laboratoire galénique de la faculté de médecine de l’Université Ferhat Abbès de Sétif (UFAS) représentent la face cachée d’une institution (l’université algérienne s’entend) injustement dénigrée. Assimilé à un véritable service hospitalo-universitaire implanté au cœur de la faculté, le laboratoire se mue en petite unité de production de médicaments, au grand bonheur de milliers de petits patients et de leurs parents. L’apparition soudaine de la pandémie de la Covid-19 a obligé les chercheurs de l’université à sortir de l’anonymat. Pour la première fois, la communauté universitaire s’ouvre au monde extérieur. « La crise sanitaire de la Covid-19 a démontré que l’université algérienne est utile et qu’il y a un génie qui sommeille en elle. L’UFAS a mis en place un plan d’action adapté à la conjoncture. Le laboratoire galénique devient une petite unité de production du gel hydro-alcoolique, élément important dans la prévention du virus. Il ne faut pas croire que la transformation d’un labo à vocation pédagogique en unité de production de gel hydro-alcoolique, en un laps de temps court, est une simple sinécure. Le manque en quantité d’une partie de la matière première (l’alcool éthylique à 96 %, la glycérine et l’eau oxygénée) freine quelque peu la dynamique. La mobilisation des bonnes volontés qui ont remué ciel et terre pour dénicher de la matière première nous a permis de produire plus de 34.000 flacons (toutes contenances confondues) de solution et gel hydro-alcoolique. Le produit est fabriqué avec la formule de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et selon les normes ISO. Toute la quantité produite a été distribuée gratuitement aux différents organismes dans différentes wilayas », souligne en guise de préambule le Pr. Slimane Laouameri, doyen de la faculté de médecine où des compétences de l’ombre ne ménagent aucun effort pour atténuer les désagréments de petits malades et leurs parents.

Ascension fulgurante

Aidés par une armée d’étudiants de la filière, des enseignants pharmaciens confectionnent depuis 2015 de milliers de préparations commandées par les soignants de différents services du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Sétif, du Centre Anti-Cancer (CAC), des hôpitaux et des cabinets privés d’un bassin de huit millions d’habitants. Méconnu du grand public, l’effort de ces compétences de l’ombre mérite la citation. Pour avoir une idée sur l’apport de ce laboratoire dont la vocation première est pédagogique, écoutons Dr. Abdelhamid Cheikh, l’autre cheville ouvrière de la structure. « Fonctionnel depuis 2013, notre laboratoire prépare des formes galéniques adaptées à la population pédiatrique depuis presque neuf ans. Nos préparations sont destinées principalement aux nourrissons, bébés et enfants de 10 ans et moins, sachant que le dosage des médicaments de cette catégorie de patients n’est pas disponible sur le marché. A titre d’exemple, le dosage d’un malade atteint de tuberculose n’existe que pour les adultes. Nos équipes répondent à la prescription du médecin exigeant des comprimés de trois milligrammes. Pour de petits patients, on transforme les comprimés en sirop ou en gélules. Il faut savoir qu’une bonne partie des préparations est à la charge de nos étudiants pour lesquels le labo est un excellent terrain de stage. Après la période des démonstrations et d’apprentissage de la troisième année, nos étudiants en fin de cycle (internat) sont en mesure de réaliser toutes sortes de préparations », précise non sans fierté notre interlocuteur, l’un des plus anciens pharmaciens de la faculté. Et d’enchainer : « En matière des chiffres, la demande est en perpétuelle augmentation. Des corticoïdes, des antibiotiques, des anti-cancers, des anti-tuberculoses et autres produits cardiovasculaires sont préparés et distribués gratuitement, avec une moyenne de 100 préparations par mois. Pour faciliter la tâche à des parents éprouvant moult difficultés à mettre la main sur le dosage prescrit, nos préparations représentent un traitement de un à deux mois. Pour vous donner une idée sur la production, nous avons dépassé 1.170 préparations en 2023. Soit une moyenne mensuelle de 106 préparations. Il convient de préciser que ces 106 préparations correspondant à plus de 20.000 unités médicamenteuses certifiées. A titre de comparaison, la production de 2018 n’avait pas dépassé les 377 préparations. Comme vous le constatez, la différence est de taille », résume Dr. Cheikh. Prenant le relais, Pr. Sabah Bendoudiaf, chef du département de pharmacie faisant quotidiennement la navette Sétif-Constantine, met le doigt sur les difficultés et la fuite des cerveaux. « En dépit des sacrifices consentis, nous sommes confrontés au sempiternel problème du logement. Figurez-vous que sur les onze enseignants qui ont rejoint le département de pharmacie de la faculté en 2011, nous sommes les deux rescapés. Si Dr. Cheikh est tancé par une pesante colocation, je suis quant à moi extenué par la navette quotidienne Sétif-Constantine. On a frappé à toutes les portes, en vain. A la recherche d’un enseignant hospitalo-universitaire en biophysique pharmaceutique, en pharmacognosie, sans logement, le département ne pourra combler le déficit. En perdurant, ce problème impactera négativement la stabilité de l’encadrement pédagogique du département faisant déjà face à une interminable saignée ».

Kamel Beniaiche

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