La décision de la junte au pouvoir au Mali de dénoncer l’accord de paix d’Alger, annoncé avant-hier jeudi dernier, fait réagir l’Algérie. Dans un communiqué rendu public hier, le ministère des Affaires étrangères exprime les regrets et la profonde préoccupation de l’Algérie quant aux conséquences de cette décision. « L’Algérie a pris connaissance, avec beaucoup de regrets et une profonde préoccupation, de la dénonciation par les autorités maliennes de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger », lit-on dans ce communiqué. Selon la même source, « l’Algérie prend acte de cette décision, dont elle tient à relever la gravité particulière pour le Mali lui-même, pour toute la région qui aspire à la paix et à la sécurité, et pour l’ensemble de la communauté internationale qui a mis tout son poids et beaucoup de moyens pour aider le Mali à renouer avec la stabilité par la réconciliation nationale ». « L’Algérie a un devoir d’information envers le peuple malien frère. Ce dernier sait que l’Algérie n’a jamais failli à travailler à la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, avec sincérité, bonne foi et solidarité indéfectibles envers le Mali frère. Le peuple malien doit aussi savoir et doit se convaincre que la longue liste des raisons invoquées à l’appui de la dénonciation de l’Accord ne correspond absolument ni de près ni de loin à la vérité ou à la réalité », précise le communiqué. Le ministère des Affaires étrangères bat en brèche les arguments avancés par les militaires au pouvoir au Mali, précisant que leur action était préparée depuis bien longtemps : « En effet, il n’a échappé à personne que les autorités maliennes préparaient cette décision depuis bien longtemps », souligne le communiqué. Selon la même source, les « signes avant-coureurs depuis deux ans en ont été : leur retrait quasi total de la mise en œuvre de l’Accord, leur refus quasi systématique de toute initiative tendant à relancer la mise en œuvre de cet Accord, leur contestation de l’intégrité de la médiation internationale, leur désignation de signataires de l’Accord, dûment reconnus, comme dirigeants terroristes, leur demande de retrait de la MINUSMA, l’intensification récente de leurs programmes d’armement financés par des pays tiers et leur recours à des mercenaires internationaux ». Pour l’Algérie, « toutes ces mesures systématiquement mises en œuvre ont soigneusement préparé le terrain à l’abandon de l’option politique au profit de l’option militaire comme moyen de règlement de la crise malienne ». « Le peuple malien frère doit savoir que des décisions aussi malheureuses et aussi malvenues ont prouvé par le passé que l’option militaire est la première menace à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali, qu’elle porte en elle les germes d’une guerre civile au Mali, qu’elle diffère la réconciliation nationale au lieu de la rapprocher et qu’elle constitue enfin une source de menace réelle pour la paix et la stabilité régionales », ajoute la même source. Et de préciser que le Mali a toujours besoin de paix et de réconciliation. « Il n’a aucun besoin de solutions qui ne lui ont apporté par le passé que déchirements, destructions et désolations. Répéter ces erreurs du passé, c’est prolonger indûment la tragédie et les malheurs pour le Mali et pour le peuple malien frère », conclut le communiqué.
Les accusations farfelues de la junte
Jeudi passé, la junte militaire au pouvoir au Mali a décidé de passer à une autre étape de la mise à exécution de son plan anti-accord d’Alger. Elle a annoncé la « fin, avec effet immédiat ». Dans deux communiqués largement repris par des médias étrangers, ils déclarent d’abord l’accord signé en 2015 « caduc » et « inapplicable ». Le gouvernement de transition malien justifie sa position par « le changement de posture de certains groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ». Il qualifie aussi ses acteurs de « terroristes ». Les autorités de fait au Mali s’attaquent directement à l’Algérie l’accusant à nouveau « d’actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’Accord de la part des Autorités Algériennes, dont le pays est le chef de file de la médiation ». Ils accusent aussi l’Algérie « d’avoir œuvré pour le maintien du régime des sanctions de l’ONU sur le Mali, au moment où le mouvement des non-alignés et la Fédération de Russie s’y opposaient dans l’intérêt du Mali qui demandait la levée dudit régime ». Ils affirment également que « l’Algérie considère le Mali comme son arrière-cour ou un État paillasson ». Ce faisant, ils appellent « les autorités algériennes à cesser immédiatement leur hostilité ». Dans leurs communiqués, les putschistes au Mali accusent indirectement l’Algérie « d’être à l’origine de la propagation du terrorisme international au Sahel », à travers l’installation « du GSPC algérien dans le Sahara, avant de prêter allégeance à Al-Qaïda ». Ces arguments avancés par la junte malienne ne sont, en réalité, que des tentatives de cacher leur responsabilité dans la situation actuelle dans le nord du Mali. Le putschiste Assimi Goïta, rappelons-le, avait déjà tout mis en œuvre pour que l’accord d’Alger ne soit pas appliqué. Il est passé ensuite à l’expulsion de la mission pour la paix de l’ONU, MINUSMA, avant de lancer sa guerre contre les populations du nord du pays, au nom de la prétendue « lutte anti-terroriste ». Le 31 décembre dernier, il avait annoncé la mise en place d’un « dialogue direct inter-malien ».
Samir Rabah
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