À l’issue de leur quatrième réunion, qui vient d’avoir lieu aux Archives nationales françaises, à Paris, les membres de la commission d’historiens algériens et français, créée en août 2022 sous l’impulsion des deux chefs d’État, se sont entendus pour « poursuivre l’identification et la recension des cimetières, des tombes et des noms des détenus algériens du XIXe siècle décédés et enterrés en France ». Ces résistants algériens ont été déportés au pénitencier de Cayenne, en Guyane française, ou emprisonnés sur l’île de Sainte-Marguerite, au large de Cannes, qui a également servi de lieu de détention pour les prisonniers politiques provenant de l’Algérie entre 1840 et 1880. Leur nombre est estimé entre 3.000 et 4.000, selon plusieurs sources authentifiées par l’historien français, Benjamin Stora. Avant leur récente réunion, qui a eu lieu le 25 janvier à Paris, les membres de la commission avaient tenu une réunion par visioconférence, en date du 19 avril, une autre réunion le 7 juin à Paris et enfin une troisième, le 22 novembre, à Constantine. Présidée par le chercheur en histoire, Mohamed Lahcen Zeghidi et l’historien Benjamin Stora, la commission a lancé un appel aux autorités françaises, les exhortant à valoriser ces lieux de sépulture, « ces lieux de mémoire, par l’apposition de plaques commémoratives » dans une « douzaine de lieux », allant de Toulon à Pau, en passant par la Corse, la Nouvelle-Calédonie ou la Guyane. Interrogé sur une possible opposition à la mise en valeur de ces lieux, Benjamin Stora n’a pas exclu un tel scénario, mais a appelé à aller de l’avant. « Cela arrivera peut-être, mais on ne peut pas s’arrêter à ça, ou sinon on ne fait rien », a-t-il souligné. Réaliste et prévoyant, l’historien français né à Constantine et politiquement ancré à gauche s’attend probablement à ce que des politiciens issus de l’extrême droite française se mettent en travers de l’évolution positive du processus relatif au règlement du contentieux mémoriel entre l’Algérie et la France. Les nostalgiques de l’Algérie française se trouvent aujourd’hui même dans la droite classique. « L’indépendance de l’Algérie avait ouvert une crise du nationalisme français construit au début du XIXe siècle en grande partie sur la notion de l’empire colonial. L’Algérie, qui faisait partie intégrante du territoire national, représente une rupture narcissique très forte, difficile à accepter », reconnait Benjamin Stora, dont certaines positions ont été sévèrement critiquées par les historiens Mohamed Harbi, Annie Rey-Goldzeiguer et Pierre Vidal-Naquet, « qui lui reprochent de minimiser les fautes de la colonisation et de renvoyer dos à dos les belligérants de la guerre d’Algérie ». Le co-président de la commission mixte algéro-française sur la mémoire et la colonisation est pourtant considéré comme un chef de file de la gauche anticolonialiste ! Pour revenir au projet de revalorisation des lieux de sépulture des résistants algériens, morts en détention dans les bagnes français durant les 50 ans qui ont suivi le début de la colonisation, le mémorandum de Constantine, rédigé par la commission, avait déjà soulevé la question de l’identification et de la recension des cimetières, des tombes, du nombre et des noms des détenus algériens du XIXe siècle, décédés et enterrés en France. Les membres de la commission avaient proposé la restitution à l’Algérie du sabre, du burnous et du Coran, de l’Émir Abdelkader. Quoi qu’il en soit, la récente réunion de la commission mixte algéro-française sur la mémoire et la colonisation pourrait constituer un indice, montrant que les préparatifs de la visite que compte effectuer Abdelmadjid Tebboune en France sont en voie d’éliminer toutes les entraves. D’autant plus que selon le programme initial, il est prévu que le chef de l’État visite le château d’Amboise, où l’Émir Abdelkader a été détenu de 1848 à 1852.
Mohamed Mebarki
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