Paradoxalement, les deux zones humides les plus importantes de la wilaya d’Annaba, à savoir la zone de Boucedra (El Bouni) et le lac Fatzara (qui englobe trois communes), se présentent deux visages complètement opposés. En effet, la zone de Boucedra est constamment protégée et fait l’objet d’un intérêt particulier de la part des décideurs, tandis que le périmètre du lac Fatzara, d’une superficie de plus de 20.600 hectares, reconnu d’importance internationale depuis 2002, est laissé à lui-même, et surtout en proie à la pollution. Aujourd’hui, le lac Fatzara, s’étendant sur 17 kilomètres d’est en ouest et sur treize kilomètres dans sa partie la plus large, est considérée comme l’une des sources de pollution les plus importantes de la wilaya d’Annaba, contaminant les eaux de l’oued Seybouse. Effectivement, le bassin du lac Fatzara, communément appelé El Garaâ, est lui-même confronté chaque jour à plusieurs polluants industriels et urbains, principalement émis par les trois communes de Berrahal, d’El Eulma et de Chorfa. Cependant, la calamité est aggravée par certaines usines privées de la zone industrielle de Berrahal, en particulier par les stations-service implantées aux abords de la route nationale 44. Selon des experts environnementaux, le danger est imminent, d’autant plus que des agriculteurs ont signalé avoir découvert, après le retrait des eaux du bassin en raison de la faiblesse des précipitations ces deux dernières années, des bidons pleins d’huiles usagées. Cette agression envers la nature provoque un déséquilibre de l’environnement, des écosystèmes et du cycle d’évolution de la nature de la région d’Annaba, prolongée par le parc naturel d’El Kala (El Tarf) et la zone humide de Guerbez (Skikda), qui renferment un immense patrimoine de faune et de flore très varié. Selon des sources crédibles, la totalité des eaux résiduelles des entreprises et stations de lavage est déversée dans le lac Fatzara sans être épurée, avec le silence des services et des associations dites de protection de l’environnement. Ainsi, la pollution a atteint un niveau si élevé qu’une catastrophe écologique réelle semble imminente. Nos sources estiment que la moitié des milliers de mètres cubes de polluants industriels rejetés quotidiennement dans ce plan d’eau seraient des huiles usagées. Des experts affirment que le lac Fatzara est devenu, de nos jours, d’un côté, un véritable récipient de déchets de toute sorte et, de l’autre, un réservoir pour les rejets polluants. « Nous sommes en présence d’un conglomérat de liquide visqueux et vaseux renfermant des vecteurs de maladies infectieuses », témoigne un agriculteur spécialisé dans l’élevage bovin de race locale, en activité sur les lieux depuis des années. Selon certaines indiscrétions, des études réalisées ces dernières années par des universitaires, notamment ceux de la filière des sciences de la terre, ont montré que les eaux de ce lac, au même titre que celles de l’oued Seybouse, ont atteint un degré de pollution inquiétant, suscitant des risques majeurs sur l’agriculture, la nappe phréatique et la santé publique. En outre, les lois relatives à la protection de l’environnement et les efforts de mise à niveau des entreprises industrielles n’ont pas permis jusqu’à présent de maîtriser la pollution. Dans un passé récent, en l’absence de toute protection, le lac Fatzara a frôlé la catastrophe en raison des déchets et des rejets polluants de certaines unités de production en activité à la zone industrielle de Berrahal, des drainages et de la mise en valeur des terres qui engendre la surexploitation des espèces et la détérioration de la couche végétale. La classification de ce site naturel comme excellent site d’accueil, en période hivernale, pour une avifaune nicheuse composée souvent d’espèces rares et protégées, remonte à deux décennies déjà. Toutefois, avec la création des pôles urbains de Kalitoussa, d’Aïn Djebara et de Benmostefa Benaouda, situés, au même titre que la zone industrielle, aux abords directs du lac Fatzara, le risque d’une catastrophe naturelle n’est nullement à écarter si des solutions urgentes ne sont pas trouvées. La sonnette d’alarme est tirée…
B. Salah-Eddine
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