L’Algérie et la Tunisie commémorent conjointement, aujourd’hui jeudi, le 66e anniversaire des événements douloureux de Sakiet Sidi Youcef, cette agglomération rurale tunisienne frontalière avec l’Algérie, qui servait de lieu de refuge pour des centaines de familles algériennes durant la Guerre de libération nationale. Ce jour-là, le 8 février 1958, sous le prétexte de « représailles » contre l’Armée de Libération Nationale (ALN) et en application de ce que le colonialisme français considérait impunément comme un « droit de suite », la France, troisième puissance militaire mondiale de l’époque, a envoyé ses avions larguer des bombes sur ce village de quelques centaines d’habitants, tuant plusieurs dizaines de civils, dont des enfants et des femmes. Un crime contre l’humanité qui a constitué un tournant décisif quant à l’évolution de la Guerre de libération nationale et son internationalisation. Un véritable carnage. Ce jour-là, le sang algérien se mêla au sang tunisien, ce qui a consolidé davantage, chez les Algériens comme chez les Tunisiens, un esprit de solidarité et de fraternité indéfectibles, que les deux peuples entretiennent aujourd’hui encore en toute spontanéité et sans la moindre intention d’en faire un fonds de commerce. À ce propos, l’hebdomadaire Jeune Afrique du 7 avril 2023 écrivait : « pour les autorités tunisiennes, la tragédie de Sakiet (sic), qui a frappé de plein fouet des innocents, n’est pas un simple dommage collatéral du conflit algérien où s’est engluée aveuglément la France. C’est aussi une atteinte à la souveraineté d’un pays et de son peuple. Bourguiba rompt les relations diplomatiques avec la France, expulse cinq consuls, met sous blocus les casernes françaises et organise une visite du village pour la presse internationale ». Ce jour-là, Sakiet Sidi Youcef est sortie de l’anonymat et est entrée dans l’histoire, inscrivant son nom sur le registre des génocides perpétrés par les armées d’occupation en général et l’armée française en particulier. Au-delà des aspects protocolaire et diplomatique, la commémoration puise son essence d’une profonde aspiration populaire, partagée par les Algériens et les Tunisiens, déterminée à perpétuer à l’intention des jeunes générations, une histoire de lutte commune, un présent et un avenir que les deux peuples ne pourraient pas concevoir séparément. Il y a dix jours, Brahim Merad, ministre de l’Intérieur, soulignait « la nécessité de protéger les régions frontalières communes entre l’Algérie et la Tunisie, contre les nouvelles menaces sécuritaires, notamment la migration clandestine », perpétuant une ligne de conduite héritée des précurseurs de la lutte anticolonialiste, sous l’égide de l’Étoile nord-africaine. « Il est primordial pour garantir l’efficacité de l’approche de développement, de sécuriser nos régions frontalières communes et de les protéger contre les nouvelles menaces sécuritaires, notamment la migration clandestine, et ce en intensifiant la concertation et la coordination, conformément à la teneur de l’accord sécuritaire signé entre les deux pays en mars 2017 », avait-il affirmé à l’ouverture des travaux de la 1re session de la Commission bilatérale de promotion et de développement des régions frontalières algéro-tunisiennes. Algériens et Tunisiens sont donc plus que jamais appelés à se limiter aux commémorations symboliques, mais à en faire des motifs supplémentaires pour consolider un partenariat dans tous les domaines, bénéfique pour les deux pays.
Mohamed M.
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