488 views 10 mins 0 Comment

Commémoration de la Journée du chachid à Sétif : « La mémoire est la sentinelle de l’esprit »

La célèbre citation de William Shakespeare « la mémoire est la sentinelle de lesprit » sied parfaitement à la démarche de lOrganisation Nationale des Moudjahidine (ONM) et de lassociation Mechaal Echahid, lesquelles ont voulu faire de la célébration de la Journée nationale du chahid un pont de transmission de la mémoire. Pour 2024, lONM a décidé de délocaliser une partie de ses activités, de mettre le cap sur Sétif, précisément en direction des deux célèbres lycées Mohamed Kerouani (ex-Eugene Albertini) et Malika Gaid. Une leçon dhistoire y est programmée. Le cours sera donné par 46 élèves ravis de rejoindre les bancs de leurs établissements de hauts lieux d’érudition et de savoir. Les organisateurs, pour lesquels « la mémoire, ce passé au présent », ont donc tenu à honorer la mémoire de Meriem Bouattoura, Malika Kharchi, Messika Ziza, Messaoud Akoubache, Lakhdar Alouani, Abbas Amardjia, Abdelkrim Amardjia, Mohamed Tahar Ballout, Abdelaziz Bekkouche, Mohamed Belaïd, Abdelkader Belaref, Rachid Belhocine, Salah Benalioui, Habib Bendiaf, Laalaoui Benmabrouk, Ahmed Benmaïza, Mohamed Seghir Benmaïza, Mehdi Benmenni, Abdelhalim Bensalem, Abdelaziz Berchi, Abid Berchi, Noureddine Boubalouta, Mokhtar Bousdira, Kamel Cherbal, Lamnaouar Cheurfi, Abdelhamid Douhil, Hacen Ghadjati, Hocine Hachemi, Abdelmadjid Haffad, Miloud Harbouche, Mohamed Kerouani, Abdelouahab Khababa, Lakhdar Mustapha Lafi, Abderahmane Maiza, Khatir Maiza, Mohamed Maiza, Abdelhamid Meslem, Abdelghani Mokhtari, Abdelouahab Bouzid Rebbouh, Moussa Rouabah, Mohamed Abdenour Saadna, Abdelhamid Sakhri, Abdelhamid Mustapha Selmane, Tayeb Taklit, Fodhil Tergou et Abdelaziz Ziad, qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie libre et indépendante. Brillants pensionnaires des deux berceaux politiques où ont été formés des contingents dintellectuels et de grands serviteurs de cette belle et fertile terre dAlgérie, ils ont répondu à lappel de la partie. Le devoir suprême oblige donc de brillants lycéens à mettre entre parenthèses les études et rejoindre le maquis. Pour l’histoire, les héros tombés au champ d’honneur ont suivi le chemin tracé par leurs 17 camarades du lycée : Abdelhamid Benzine, Kateb Yacine, Abdeslem Belaïd, Tayeb Taklit, Mohamed Tahar Maïza, Mahmoud Benmahmoud, Mohamed Kamel Torche, Nacerdine Lamriben, Abderezak Djemame, Mohand Ouamar Ferrani, Mohamed Cherfaoui, Khaled Khodja, Boualem Yanat, Seghir Mostefaï, Abdelkader Zeriati, Keddad Bakhouche et Abderrahmane Lamri, lesquels ont créé, au nez et à la barbe de l’administration du lycée, une section PPA (Parti du Peuple Algérien) bien avant les massacres du 8 mai 1945. Démasqués, les jeunes militants sont appréhendés en plein cours pour certains. Poursuivis pour leur amour à la terre fertile, les 17 sont rayés des effectifs de l’établissement. Avant de quitter les lieux, les proscrits passent le témoin. Pour transmettre la mémoire et pérenniser le sacrifice de la fine fleur des établissements précités, les organisateurs ont invité des élèves des deux établissements et des jeunes scouts. « Les Lycées Kerouani et Gaid ne sont pas uniquement des bastions du savoir et de la connaissance. Ils sont avant tout de grands berceaux du nationalisme. Ils ont été de très grandes écoles du militantisme. Meurtris par l’asservissement de leur peuple, des centaines d’élèves décident d’interrompre leurs études pour se mettre au service de la Révolution. Les deux citadelles payent le prix fort ; 46 de leurs meilleurs élèves tombent au champ d’honneur. Nos enfants doivent savoir que chaque empan de cette terre est porteur d’histoire », révèle à L’Est Républicain la moudjahida Saliha Djeffal Saci, membre du secrétariat national de l’ONM et autre cheville ouvrière de la manifestation.

Marche de la fidélité

Appuyés par les autorités locales, à leur tête le wali, Mustapha Limani, ne ménageant aucun effort pour tout ce qui touche à l’histoire et à la mémoire collective, les initiateurs du projet ont concocté un programme riche. Le clou de l’événement sera vraisemblablement la marche de la « fidélité ». Les parents et proches des 46 élèves martyrs qui seront honorés, la famille révolutionnaire et les anciens et nouveaux élèves des deux établissements marcheront aujourd’hui, samedi 17 février, de la maison de la culture Houari Boumédiène vers le lycée Mohamed Kerouani pour y déposer un bouquet de fleurs au pied de la stèle érigée à la mémoire de jeunes martyrs. « Après avoir pris part au combat libérateur et à la construction du pays, on devait poser les fondations de la transmission de la mémoire. Celle-ci est le principal antidote contre l’oubli. La marche de la fidélité est le serment donné à nos martyrs partis à la fleur de l’âge. C’est un hommage à nos camarades qui ont choisi le sacrifice suprême pour que la jeunesse d’aujourd’hui et de demain puisse vivre librement. Le choix de la maison de la culture n’est pas fortuit. Devenu un haut lieu de la culture, des arts et de l’histoire, l’espace remplace la funeste caserne militaire coloniale où ont été torturés, tués et liquidés de centaines de nos frères. La marche de la fidélité est une manière de remettre le témoin », précise la moudjahida de la fédération de France et ancienne proviseure du lycée Malika Gaid de 1971 à 1975. Le devoir de mémoire nous oblige à remettre sur la table une infime partie des faits d’armes de ces illustres érudits et martyrs de la plus noble des causes. Pensionnaire au lycée des jeunes filles (actuel lycée Malika Gaïd) de Sétif, Malika Kharchi quitte son établissement en mai 1956, rejoint le maquis en janvier 1957, tombe au champ d’honneur le 15 novembre 1960 à l’âge de 21 ans. Native de N’Gaous, Meriem Bouattoura se réfugie avec sa famille à Sétif où elle milite aux côtés de la moudjahida Houria Mostefai. L’hiver 1956, Meriem quitte les bancs du lycée, pour rejoindre ses compagnons de lutte, meurt les armes à la main le 9 juin 1960 à Constantine. Ancien d’Albertini, Mohamed Abdenour Saadna issu d’une grande famille de Sétif, titulaire d’un diplôme de médecine de la faculté d’Alger, prend les armes en 1956. Dénoncés, Abdenour et ses quatre compagnons (Azouz Nefir, Saïd Souri, Mohamed Yahiaoui et Ahmed Mahiout sont exécutés froidement au Ravin de la femme sauvage à Alger, d’où le nom de ce boulevard « Rue des cinq fusillés ». Brillantissime lycéen, Abdelhamid Douhil rejoint les rangs de l’ALN (Armée de Libération Nationale) à l’âge de 18 ans. Après une rude bataille dans une rue de Sétif, le héros tombe dans la nuit du 27 au 28 mars 1961. Autre médecin formé au lycée, Dr. Rachid Belhocine tombe au champ d’honneur le 26 novembre 1957, non loin de Medjana (BBA). Il décède en compagnie de Si Arezki Oukmalou et de la grande militante Raymonde Peschard et d’autres preux qui rebroussent chemin et rejoignent, le temps d’une célébration, leurs bancs aux lycées où leurs noms sont à jamais gravés dans la mémoire.

Kamel Beniaiche

Comments are closed.