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Observatoire du 8 mai 1945 à Sétif : Un gouffre financier qui agace…

Le 8 mai 2012, Abdelaziz Bouteflika, le défunt président de la République, pose la première pierre de l’observatoire du 8 mai 1945 de la capitale des hauts plateaux. Douze ans après, l’espace devant être un centre de rayonnement de l’histoire nationale fait du surplace, au grand dam de moudjahidine, des familles des victimes de cette épisode traumatique, des étudiants, des historiens et des chercheurs pour lesquels l’histoire est la mémoire des peuples. A son installation en septembre 2023 à la tête de l’exécutif de la wilaya où le respect des délais de réalisation n’est plus le fort des hautes plaines sétifiennes, Mustapha Limani visite le chantier avançant à pas de tortue. Il donne des instructions pour accélérer les travaux et transformer un cube en béton en une véritable œuvre d’art. Trois mois plus tard, la situation n’a pas changé d’un iota. Ainsi, le mercredi 21 février, le chef de l’exécutif revient sur ses pas. Le « statuquo » ainsi que les « explications », où plutôt les « justifications » des chargés de l’opération n’ont pas, nous dit-on, convaincu le wali faisant du suivi des différents projets son principal cheval de bataille. Le même sentiment anime le maitre d’ouvrage, en l’occurrence le président de l’Assemblée Populaire Communale (APC), ne cachant pas, lui aussi, son agacement. Face à l’ampleur du reste à réaliser et d’une facture ne cessant de grimper, le premier magistrat de la cité ne peut avancer la moindre date de mise en service de ce budgétivore qui n’en finit plus de grever les caisses de la collectivité. Celle-ci n’a reçu aucune subvention pour l’aider à boucler une opération aux allures de « travaux d’Hercule ». S’étendant sur une superficie de 2,5 hectares d’une aile de la cité El-Hidhab, non loin du siège de la direction de la Culture et de l’université Dr. Mohamed Lamine Debaghine (Sétif-2), l’infrastructure qui devrait être dotée d’une salle d’exposition permanente de 700 mètres carrés, d’une salle de conférences d’une capacité d’accueil de 550 places, d’un centre audio-visuel, d’une bibliothèque, d’une médiathèque et de deux salles de lecture, est un immense hangar. Initié par la municipalité, le projet qui a vu passer quatre présidents d’APC (Mohamed Dib, Dr. Nacer Ouahrani, Mohamed Bourmani et Hamza Belayat) et six walis (Abdelkader Zoukh, Mohamed Bouderbali, Nacer Maskri, Mohamed Belkateb, Kamel Abla et Mohamed Amine Deramchi), a consommé 41 milliards. Dire que le plus dur reste à faire. 

Le maire nous explique tout

« Les intentions des responsables de la commune de l’époque étaient nobles. A travers l’observatoire, ils voulaient réaliser un espace d’étude, de recherches et d’écriture de l’histoire. Au fil du temps, la tâche s’est avérée ardue et onéreuse à la fois. Seule, la commune qui a déjà injecté pas moins de 41 milliards n’a pas les ressources financières pour terminer les gros œuvres. D’autant plus que le wali insiste et à juste titre pour la réalisation des ailes restantes, de l’esplanade et de la clôture. Les équipements et le statut juridique du futur établissement est une autre paire de manche. Il faut savoir que l’observatoire est l’autre passif lourd qu’hérite l’assemblée que je préside. Avec les innombrables chantiers de mise à niveau de la ville, relatifs à l’éclairage public, la réhabilitation d’une grande partie du réseau routier, l’amélioration urbaine, la construction et la rénovation des écoles primaires, la municipalité ne peut indéfiniment financer une telle opération. Le concours précieux du wali accordant une grande importance au volet histoire et mémoire nous permettra d’avancer et de clôturer le dossier », révèle à L’Est Républicain Hamza Belayat, président d’APC – initiatrice du projet. Suite au rapport du CTC (Centre Technique de Construction) ayant constaté des infiltrations, nous étions contraints d’injecter une nouvelle manne financière pour terminer la toiture. Le maitre d’œuvre ainsi que l’entreprise désignée sont mis en demeure pour accélérer la cadence du travail, et le cas échéant, mettre les bouchées doubles pour avancer et entrevoir le bout du tunnel. Les services techniques de la commune suivront désormais les travaux. Une telle situation ne peut perdurer continuellement », précise le premier magistrat de la ville martyre. Notre interlocuteur ne savait pas si cet espace dédié à la sauvegarde de la mémoire collective de la nation serait inauguré le 8 mai 2025, coïncidant avec la célébration du 80ème anniversaire du plus horrible pogrom commis par la France coloniale quelques mois après la fin de la deuxième guerre mondiale. Cet important paramètre devrait être pris en considération par les chargés de l’opération. En attendant la fin de cet autre projet « pharaonique » , les défenseurs de la mémoire font de leur mieux pour perpétuer le souvenir des victimes des massacres du 8 mai 1945  pour que les générations d’aujourd’hui et de demain puissent mesurer l’atrocité de la répression dont la France coloniale s’était rendue coupable et mesurer le lourd tribut payé par leurs aïeux pour que cette belle et fertile terre d’Algérie puisse en finir avec une nuit coloniale qui aura duré plus de 132 ans.

Kamel Beniaiche

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