Le 27 janvier dernier, soit un peu plus d’un mois avant le début du mois sacré, le ministre de la Communication, Mohamed Laâgab, avait réuni les directeurs des chaînes de télévision (publiques et privées), pour leur donner des orientations précises et rigoureuses quant à l’obligation pour les responsables des programmes de « respecter les spécificités du mois de ramadhan, ainsi que les valeurs de la société algérienne. » Visiblement, le message du ministre n’est pas du tout passé, comme s’il avait prêché dans le désert, raison pour laquelle il a de nouveau convoqué les mêmes responsables. Mais cette convocation n’a pas été pour leur rappeler ses précédentes instructions, mais pour hausser le ton et surtout brandir un carton rouge, en réaction aux programmes diffusés pendant cette première semaine du ramadhan « qui ont dépassé toutes les limites du professionnalisme et de l’éthique. » Les mots sont forts et la colère manifeste chez le ministre, qui égrène la litanie de ses griefs contre les télévisions privées, engagées dans une spirale sans fin en quête d’audimat et de recettes publicitaires, au détriment des garde-fous éthiques et professionnels fixés par la récente loi sur l’information, votée à la fin de l’année passée par le Parlement. « Certains programmes, sur certaines séquences, ne cadrent pas avec les traditions sociales de notre société et surtout la sacralité du mois de ramadhan », cingle Laâgab, sans pour autant identifier les chaînes coupables ni les programmes incriminés. Une situation d’autant plus déplorable que certaines séquences sont muettes et qu’il aurait été facile de les enlever sans altérer la structure du scénario. Le ministre de la Communication précise le sens de ses observations, tout en se défendant de toute velléité de censure, la liberté de création étant garantie par la Constitution. Il précise à cet égard que « les télévisions ont le droit de critiquer la société, mais de la façon qui convient, c’est-à-dire qui ne prend pas le contre-pied des valeurs de notre société ». Et de rappeler qu’à l’origine de cette interpellation ne se trouvent pas « les réseaux sociaux », mais qu’elle se base bel et bien sur « des rapports détaillés présentés par la commission de vigilance de l’Autorité Nationale Indépendante de Régulation de l’Audiovisuel (ARAV, NDLR), ainsi que des réactions des citoyens. » S’il est bon que le ministre de la Communication ait convoqué les directeurs de ces télévisions pour leur rappeler qu’elles « ont dépassé toutes les limites de l’éthique et du professionnalisme », il est à craindre que ce énième avertissement ne soit pas suivi d’effet, c’est-à-dire de sanctions pénales et financières. Dès lors que les règles sont claires et opposables à tout le monde, tout dépassement éthique ou professionnel doit appeler à des mesures coercitives, à défaut de quoi l’anarchie et le non-droit qui prévalent dans le monde audiovisuel algérien, dans le privé en particulier, continueront de prospérer. Surtout qu’il s’agit de gros enjeux financiers.
H. Khellifi
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