Si, dans le chef-lieu de la commune d’Annaba, le secteur du tourisme semble avoir été remis sur les rails ces derniers temps à travers la récupération du foncier inexploité et le lancement de projets en difficulté, ce n’est malheureusement pas le cas pour la commune de Chetaïbi, l’une des destinations balnéaires par excellence du pays. En effet, il est paradoxal et navrant de constater que l’un des plus beaux villages d’Algérie, perché sur l’une des plus belles baies du monde, fait l’objet d’atteintes flagrantes au foncier de l’État, y compris aux Zones d’Expansion Touristique (ZET). Les exemples abondent, depuis l’antique « Tacatua » à l’époque romaine, en passant par « Tekkouche » pour ses habitants, jusqu’à « Herbillon » sous l’occupation coloniale, et maintenant Chetaïbi, une région au fort potentiel touristique située à environ 62 kilomètres à l’ouest du chef-lieu de la wilaya. Cependant, l’un des cas les plus édifiants enregistrés au cours des trois dernières années demeure la violation du territoire de la ZET de Sidi Akacha, une zone encore à l’état sauvage à la limite des wilayas d’Annaba et de Skikda. Le comble, a-t-on constaté sur place, est que sur une assiette d’environ 150 hectares englobant la ZET, dont 28 hectares appartiennent à Chetaïbi et le reste à la commune de la Marsa (Skikda), seule la superficie foncière dépendant de la wilaya d’Annaba a été gravement atteinte. En effet, des dizaines de constructions illicites en dur ont été érigées ces dernières années, dans l’opacité la plus totale. Pour s’enquérir de la gravité de la situation, il suffit seulement de se promener sur place pour constater que même le littoral n’a pas été épargné par la mafia du foncier, avec des constructions illicites en dur, « les pieds dans l’eau ». Un autre exemple encore plus alarmant est le projet de la ZET de la baie ouest, lancé il y a plus d’une décennie. Bien que considéré comme le premier projet d’aménagement réellement lancé sur le terrain en Algérie, avec des assiettes foncières aménagées et prêtes à recevoir des investissements, le projet de la ZET de la baie ouest de Chetaïbi est toujours au point mort, pour diverses raisons. Face à une situation qui s’envenime de jour en jour, il est difficile de croire que ce projet verra le jour. De surcroît, le versant dominant la baie ouest a également été envahi par des dizaines de constructions illicites. Pourtant, la splendeur de la baie ouest ne peut en aucun cas être restaurée par une masse de béton qui envahit illégalement une zone protégée par la convention de Ramsar et renommée à l’échelle mondiale. Cette zone touristique a perdu une grande partie de son attrait en raison du « comportement néfaste et du laisser-aller des décideurs ». De nombreux observateurs ont qualifié l’adoption par décret, en octobre 2013, des Plans d’Aménagement Touristique (PAT) de la baie ouest de Chetaïbi, comme étant de la « poudre aux yeux ». Elle devait abriter de projets d’investissement propres au secteur, en mesure de participer au développement et à la promotion du tourisme en Algérie. Ainsi, ces personnes estiment que la réalité sur le terrain est tout autre, avec un retard important dans la mise en œuvre de ces plans. Aujourd’hui, à Chetaïbi, le mal s’appelle la destruction illicite de la couverture végétale sur les terres dites « meubles ». Sur les hauteurs de la fontaine romaine, à l’entrée principale du village, ces terrains, strictement déconseillés à la construction depuis bien avant l’Indépendance, n’ont pas été épargnés. Pour de nombreux géologues, un glissement de terrain destructeur n’est pas à exclure, surtout avec l’absence désormais des arbres qui assuraient autrefois la stabilité des sols. Cette zone, autrefois très boisée, fait l’objet d’un massacre systématique et continu, notamment sur le versant donnant sur le site de la fontaine romaine. Les bords s’appauvrissent de jour en jour, entraînant inévitablement la disparition du microclimat. Les jardins potagers qui fleurissaient autrefois sur ces flancs ont laissé place à des terrains propices à l’érosion sous toutes ses formes. Cette situation est qualifiée de « dangereuse » par les naturalistes, avec des retombées catastrophiques. Vue de l’extérieur, la commune de Chetaïbi avec sa merveilleuse baie semble être un petit paradis. Mais de l’intérieur, elle suscite une alarme croissante. Située dans le prolongement des monts de l’Edough et construite sur le flanc d’une montagne qui se jette dans un golfe, Chetaïbi, pourtant en plein exercice depuis près de deux siècles, semble toujours être en proie à l’isolement et au néant.
B. Salah-Eddine
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