Des enquêtes journalistiques et des documents fuités démontrent l’implication des Émirats arabes unis dans des opérations d’assassinat politique au Yémen et dans la déstabilisation de la Libye.. En effet, deux récentes révélations de la presse occidentale ont démontré une partie des pratiques qu’utilisent les responsables émiratis pour assassiner des opposants et déstabiliser des pays. Ainsi, une enquête de la chaîne britannique BBC a mis en lumière l’opération « Spire », mise en place au Yémen entre 2015 et 2018 pour « assassiner des opposants ». Selon ce travail minutieux, les services émiratis ont recruté des vétérans de l’armée américaine à coups de millions de dollars (un ancien officier des marines dit avoir demandé 1,5 million de dollars) pour officiellement tuer des « terroristes ». Or, des témoignages ont prouvé que les cibles n’étaient que des personnalités politiques opposées à l’opération saoudienne et émiratie dans leur pays. Preuve en est que la première cible d’une attaque au drone, en décembre 2015, est Insaf Mayou, dirigeant du parti islamiste modéré Islah et député du Parlement du Yémen. La cible a été ratée cette fois-ci et le concerné a témoigné à visage découvert pour s’interroger sur les véritables motivations qui ont poussé les Émiratis à vouloir l’assassiner. Un ancien militaire yéménite, réfugié à Istanbul en Turquie, a confirmé avoir coordonné avec les autorités d’Abou Dhabi ces opérations d’assassinat d’opposants. Selon l’enquête, au moins 202 tentatives d’assassinat ont été orchestrées entre 2015 et 2018. Même si nombre d’entre elles ont échoué, l’ancien militaire américain dit avoir « ciblé personnellement au moins 40 personnalités » yéménites. Le chiffre est sans doute plus important, soulignent des organisations de défense des droits de l’homme, qui ont enquêté sur les assassinats ciblés lors de la guerre au Yémen. Parmi les meurtres les plus spectaculaires se trouve celui d’Ahmed Al Idrissi, dirigeant d’une milice locale qui s’opposait à l’agression de son pays par l’Arabie Saoudite et des Émirats. L’homme tentait, avec ses hommes, d’empêcher les envahisseurs de prendre possession du port d’Aden. Il a été tué avec ses gardes du Corps par des miliciens américains financés par l’argent de Mohamed Benzayed. Plus grave que cela, les Émirats ont constitué dès 2018 une administration sécuritaire pour gérer les territoires du sud du Yémen. Ces autorités, composées essentiellement de Yéménites, ont constitué des « troupes de lutte contre le terrorisme extrêmement bien entrainées ». Parmi les recrues de cette force se trouvent d’anciens terroristes d’El Qaeda. La journaliste qui a réalisé l’enquête est parvenue à se procurer une liste de personnalités à abattre. Parmi elles se trouve la célèbre avocate Houda Essarari. Cette défenseuse des droits de l’homme qui s’oppose à l’occupation de son pays par des pays du Golfe n’a pas été tuée, mais les hommes de main des Émiratis ont tué son fils, âgé de 18 ans. Réfugiée en Europe, la dame se dit être sûre que ce sont « les Émirats qui ordonnent les assassinats » dans son pays. Preuve en est que des hommes ont reconnu les assassins de son fils comme étant d’anciens terroristes d’Al Qaeda, reconvertis en « membres de lutte contre le terrorisme » ; mais que les nouvelles autorités du sud du Yémen ne veulent même pas ouvrir d’enquête. À ces révélations s’ajoute la publication sur des sites d’informations, de documents attestant de la mobilisation par les Émirats de mercenaires indiens et bangladais pour combattre en Libye auprès de Khalifa Hafter. Plus grave, des enquêtes ont démontré qu’à leur recrutement, ces hommes pensaient devoir travailler dans des sociétés de gardiennage aux Émirats. Une fois affectés dans les endroits indiqués, leurs passeports sont confisqués et ils sont envoyés dans des camps d’entrainement de l’armée émiratie, avant de se retrouver sur le front libyen. Ces pratiques se retrouvent également dans le conflit au Soudan et ailleurs, où ce pays du Golfe veut étendre son influence en semant la mort et la déstabilisation. Depuis quelques mois, ses actions sont étendues à des pays du Sahel, où en contrepartie de l’exploitation des gisements aurifères, les miliciens de Benzayed offrent argent et protection à certains nababs locaux et à certains putschistes, empêchant ainsi toute solution politique dans ces pays.
Akli Ouali
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