Le général Marcel Bigeard fait encore parler de lui. Quatorze ans après sa mort, celui dont le nom reste lié à Diên Biên Phu et à la Bataille d’Alger, pourrait bientôt avoir une statue à son effigie à Toul, la ville qui l’a vu naître. Il s’agit d’une œuvre en bronze de deux mètres et demi de haut, financée par la fondation qui porte son nom. La municipalité de Toul a déjà validé l’implantation de la statue à proximité du monument aux morts de la même ville. Mais qui est ce général à la triste mémoire, dont le nom est intimement lié à la pratique de la torture durant la Guerre de libération ? Avant sa mort, il avait déclaré que la torture « était un moyen de récolter des infos », refusant de faire son mea-culpa. Marcel Bigeard n’avait pas émis le moindre remords : « Je ne regrette rien ! Nous avons fait face à une situation impossible ». Il va sans dire que le projet de la statue intervient à un moment où la commission mixte algéro-française travaille pour une réconciliation mémorielle, entre l’Algérie et la France. La démarche de ses promoteurs suscite déjà des tensions et des crispations, même en France. « Ériger cette statue, c’est faire preuve de négationnisme », s’est indigné un des membres d’un collectif d’opposants. Pour de nombreux Français, parmi ceux qui militent pour un apaisement et qui œuvrent pour la reconstruction de nouveaux rapports entre les deux pays, « ce n’est pas possible que l’on vénère ce genre d’hommes ». Dans un livre paru en 2001, Louisette Ighilahriz avait révélé avoir été torturée à Alger par des militaires français, sur ordre de Bigeard. Elle avait mis en cause Massu et Bigeard comme les « commanditaires du sale boulot », assurant les avoir reconnus lorsqu’elle était détenue et torturée. « Lorsque Massu ne venait pas, un autre gradé, grand et mince, portant un béret rouge, le remplaçait. C’était Bigeard », témoignait-elle ainsi dans le Nouvel Observateur du 31 mai 2001. Un projet de statue à l’effigie d’un tortionnaire notoire, dont la carrière militaire a été édifiée sur les corps de milliers d’Algériens et de Vietnamiens, n’est-il pas une insulte suprême pour toutes les victimes du colonialisme ? En justifiant sa caution portée au projet de la statue par le fait que le général Bigeard n’a jamais été condamné sur ce qui lui est reproché, la municipalité de Toul adopte une attitude pour le moins intrigante et confirme de façon nette que les nostalgiques de l’Algérie française gardent la main sur une partie de la scène politique française.
Mohamed Mebarki
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