Lors de sa visite dans la wilaya d’Annaba, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, le Dr. Youcef Belmehdi, a constaté l’état de la mosquée Abou Merouane El Cherif, dans la vieille ville d’Annaba. Il a convenu avec le wali d’Annaba pour une nouvelle opération de restauration des lieux. Cependant, à ce stade, il n’est pas question d’argent pour le projet, mais plutôt de maîtrise et de savoir-faire qui, selon des observateurs, font encore défaut à des entreprises de restauration du patrimoine. La mosquée tient son nom « Abou Merouane El Cherif El Korichi El Andaloussi El Bouni », qui est arrivé dans la ville d’Annaba dans les années 1087. Il avait appris la science auprès des savants de Cordoue, de Tlemcen et de Kairouan, et mourut en 1111. Par la suite, elle a été transformée en université pour les sciences religieuses et humaines. En 1832, l’armée coloniale l’a transformée en hôpital militaire. La mosquée abrite le tombeau du cheikh susmentionné. Rien que dans le siècle dernier, la mosquée a accueilli les plus illustres personnalités religieuses du monde islamique, le 26 octobre 1968, pour la célébration de l’an 1.000 hégirien. C’est l’une des quatre plus anciennes mosquées d’Algérie, qui a été construite sous le règne d’El Moiz Ben Badis El Sanhadjide, en l’an 425 de l’hégire, sous la supervision du cheikh Abou Elayth El Bouni Eniyari. Avant de franchir le pas de la mosquée d’Abou Merouane El Cherif, on s’attend à faire un saut dans le passé, s’imaginant trouver des piliers ancestraux de marbre gravés à la main, ou encore traverser une cour au milieu de laquelle se dresse un puits d’eau et des murs en pierre taillée ; cependant, il n’en est rien. La triste réalité est que l’intérieur des logements sociaux n’a rien à envier à la mosquée. Une restauration est une action consistant à rétablir, c’est-à-dire remettre en place un état précédent, ou le résultat de cette action. Une réhabilitation consiste à rendre à l’objet de la restauration, dans ce cas un édifice historique, son aspect original avec le souci du détail et le respect de l’architecture. « Désignés tantôt comme un travail de restauration et tantôt comme un travail de réhabilitation, les travaux menés entre 2013 et 2019 reflètent concrètement un travail de rafistolage », a estimé un citoyen. Et d’ajouter : « Au bout de sept ans de travaux et de milliards de dinars dépensés, la seule chose qui semble avoir changé dans la mosquée est qu’elle a hérité d’une couche épaisse de ciment, d’une peinture et d’une dalle de sol sorties tout droit d’une revue pour salle de bal. Pendant des années, les directions des Affaires religieuses et des Travaux publics ont fait étalage du respect de l’architecture de l’édifice et de la touche artistique des lustres. À moins qu’elles ne fassent dans l’art cubique, il n’y a rien d’artistique dans le fait d’entourer un pilier d’une épaisse couche de béton qui laisse transparaître une partie du marbre, comme si l’objet était fossilisé. La partie réservée aux femmes ressemble plus à un couloir qu’à une salle de prière, vu l’espace occupé par ces cocons en béton qui entourent les piliers de la mosquée ». Cette profonde déception est partagée par les fidèles et l’imam de la mosquée. Pourtant, il aura fallu presque sept ans, avec le concours des citoyens, la direction des Travaux publics, la direction des Affaires religieuses et l’intervention de la wilaya d’Annaba à plusieurs reprises, pour que ces travaux soient menés à terme. La population espère que la prochaine réhabilitation sera à la hauteur de l’histoire de ce site qui fait partie intégrante de l’histoire de Bône et de l’Algérie. Pour l’instant, toute cette histoire, tous ces évènements, enfouis sous une couche de béton étouffant.
Soufiane Sadouki
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