« On ne légifère pas sur la mémoire ». Cette sentence exprimée d’une manière concise en 2011 est de Dominique de Villepin, une des personnalités politiques françaises les plus marquantes de ces 22 dernières années. Il venait de s’exprimer contre une proposition de loi française réprimant la négation des génocides, notamment, ceux commis durant la période coloniale. L’ancien Premier ministre, qui a également occupé les postes de ministre de l’Intérieur et celui des Affaires étrangères, a animé avant-hier une conférence à la faculté des sciences de l’information et de la communication d’Alger. A propos de la question mémorielle et des conflits et autres malentendus qu’elle engendre, il a déclaré que « même un président n’a pas le pouvoir d’effacer, avec un petit chiffon, les drames du passé d’un seul coup ». « Les crimes coloniaux ne peuvent pas être effacés, mais nous avons tous le devoir de les reconnaître. Mais, parfois, il faut des années pour établir la véracité de certaines situations et de certains faits », a-t-il souligné, selon le quotidien gouvernemental El Moudjahid. « Ça participe de toute une population », a-t-il indiqué, jugeant qu’il est important que « les actes concernant deux pays aussi proches que la France et l’Algérie ne soient pas détournés de leur vocation ». Selon lui, la situation est telle qu’elle est, marquée par « la division et la progression de l’extrême-droite », que des sujets qui « apparaissent aussi simples à régler, divisent » ; alors qu’il est important d’« avancer ensemble dans la plus grande unité possible de nos peuples, de nos sociétés et de nos dirigeants ». Tout en soulignant la nécessité de regarder en face des actes de torture, des actes ignobles, la question des essais nucléaires entre autres, il a dit avoir noté des « progrès » entre les deux Etats, à travers les années, signalant que ce qui a été réalisé sur cette question est aussi le travail d’intellectuels, d’écrivains et d’artistes « qui ont pu soigner, dans l’imaginaire, ce que nous n’arrivions pas à soigner dans le réel ». Concernant les excuses, il a estimé qu’ « on ne décrète pas par un mot ou une parole ». « Cette parole, a-t-il dit, peut être prononcée à un moment donné quand elle s’appuie sur des consciences partagées (…) Le mot doit arriver, le geste doit arriver à point nommé quand tout le travail a été fait ». Il a d’ailleurs beaucoup insisté sur cette « maturité » et ce « degré d’évidence » pour que personne ne puisse « instrumentaliser politiquement cette mémoire blessée ». Entre l’Algérie et la France, il s’agit selon lui, d’une « relation qui a vocation à se déterminer à partir d’intérêts économiques, c’est une relation globale historique, inscrite dans l’histoire qui imprègne nos mémoires et qui a vocation à être une relation d’Etat à Etat, de peuple à peuple, de culture à culture et qui concerne (…) la vision que nous avons du monde ». Abordant la guerre d’extermination menée par Israël contre le peuple palestinien à Ghaza, il a soutenu que l’entité sioniste a utilisé l’arme de la désinformation dans son agression contre Ghaza dont l’objectif est de ternir l’image de la résistance palestinienne et de gagner la guerre médiatique. Il a également dénoncé les allégations israéliennes sur de prétendus assassinats de nouveau-nés et de viols par les résistants palestiniens. Une « accusation qui s’est avérée fausse, et qui devrait impliquer », selon lui, « l’intervention d’institutions internationales ». C’est dans ce genre de cas que « nous avons besoin d’institutions qui nous permettent de dire la vérité. « D’un côté, il y a la justice internationale, quand les médias ne sont pas là pour dire les choses, et la capacité des Etats à mener des enquêtes internationales permettant de corriger les faits », a-t-il affirmé. Pour ce qui est des perspectives de développement des pays africains sur le plan économique, il a encouragé la création de nouvelles organisations africaines régionales, même à petite échelle, entre deux ou trois pays, afin de lever les barrières qui existent entre les pays d’un continent aux « richesses absolument colossales et dont on ne connaît encore qu’une partie ».
Mohamed M
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