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Exclusif pour L’Est Républicain : Pour la reconnaissance des massacres de Mai 1945 en Algérie : La société civile emboite le pas aux députés français

La reconnaissance des massacres de mai 1945 en Algérie est le cheval de bataille d’une frange de la société civile française. Ainsi, le Collectif National pour la Reconnaissance des Crimes Coloniaux (CNRCC) lance un appel pour la reconnaissance des crimes contre l’humanité commis en Algérie par la France, sans attendre la veille du 8 mai 2025, jour de la commémoration du 80e anniversaire du plus horrible pogrom perpétré par l’empire colonial, quelques heures après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, pour revenir à la charge. Dans son message, le CNRCC est catégorique : « Il est impossible de célébrer ce 80e anniversaire de la victoire contre le nazisme sans vouloir arracher à l’oubli ce qui s’est passé en Algérie ce même 8 mai et les jours suivants. […] Amputer notre histoire commune par l’occultation de ce crime d’État ne permet pas à la France d’en finir avec la page coloniale de son histoire. Si, le 19 mars 2016, le président de la République, François Hollande, a reconnu que le système colonial en Algérie était “injuste” et “niait” les aspirations des peuples à décider d’eux-mêmes », il faut aller plus loin en disant la vérité sur les massacres du 8 mai 1945. De même, le geste symbolique fait à Sétif en 2015 par le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, J-M. TODESCHINI, demeure très en deçà de cette demande. […] À l’occasion du 80e anniversaire de ces massacres, le 8 mai 2025, nous appelons à des rassemblements unitaires dans toute la France pour exiger la reconnaissance de ces massacres comme crime contre l’humanité et la satisfaction de ces revendications ». La nouvelle démarche du CNRCC est soutenue par de nombreuses personnalités, comme Andersson-Nils (militant anticolonialiste), Ludivine (historienne) Bedar Yasmina (présidente de l’association Yalla), Bencharif Lela (géographe et responsable associative), Bollenot Vincent (historien, université de Caen), Bouamama Saïd (sociologue), Candore Marco (comédien), Gassa Amelle (enseignante, université de Lyon 2 et conseillère municipale de Lorette), Kupferstein Daniel (réalisateur), Lallaoui Mehdi (Auteur, réalisateur, et président de Au Nom de la Mémoire), Lino Maya, (avocate au Barreau de Paris), Lopez Allain, (membre de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNPA), Mabon Armelle (historienne), Meekel Jean-François (journaliste), Mellouli Akli, (sénateur du Val-de-Marne, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la Défense et des forces armées et vice-président de la délégation aux outre-mer) Pradel Jacques, (président de l’ANPNPA), Prezioso Stefanie (historienne et ancienne députée du Parlement national suisse), Sebaihi Sabrina (députée du groupe Écologiste), Simonnet Danielle (députée LFI), Schiappa Jean-Marc, (historien, Président de l’Institut de Recherches et d’Études de la Libre Pensée, « IRELP »), Vidal Dominique (journaliste et historien), Vollaire Christiane (philosophe), Weber Louis (éditeur), pour ne citer que ces premiers signataires de l’appel. L’approche du CNRCC emboite en quelque sorte le pas à la démarche des quatre députés français de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES). Elsa Faucillon, Keloua Hachi, Sabrina Sebaihi et Danielle Simmonet souhaitent former un groupe, dont l’objectif est que « soient enfin officiellement reconnus les massacres commis en Algérie à Sétif, Guelma et Kherrata, que l’accès total des archives puisse être assuré aux historiens et que ces évènements soient intégrés aux programmes d’histoire afin d’en faciliter la transmission en respect de notre devoir de mémoire. » Avant de déposer une proposition de loi le 8 mai 2025, les quatre députées devraient effectuer un premier déplacement en Algérie, en octobre ou en novembre. Pour comprendre et enrichir leur travail, Elsa Faucillon, Keloua Hachi, Sabrina Sebaihi et Danielle Simmonet comptent rencontrer des spécialistes en la matière et se déplacer sur les lieux des massacres. Un deuxième déplacement devrait, nous dit-on, avoir lieu après le dépôt de la proposition de loi. « La démarche des quatre députées est le prolongement du combat du collectif unitaire pour la reconnaissance des crimes d’État de 1945 en Algérie (Sétif, Guelma, Kherrata, NDLR) que nous avons créé avec l’historien Olivier Le Cour Grandmaison le 14 avril 2015. Suite à la forte mobilisation de notre mouvement, la même année, le conseil municipal de Paris a demandé à l’unanimité (les élus de gauche et de droite, NDLR) au chef de l’État de reconnaître ces massacres comme crimes d’État. Des vœux dans ce sens ont été adoptés par plusieurs villes dont Rennes, Nanterre et Ivry-sur-Seine, et des plaques commémoratives de ces massacres existent dans plusieurs villes de France. La reconnaissance, qui ne signifie nullement la repentance, permettra à tous les Français de mieux connaitre cette histoire qu’on leur a cachée des décennies durant » révèle à L’Est Républicain M’Hamed Kaki, l’autre cheville ouvrière du CNRCC et président de la dynamique association « Les Oranges », basée à Nanterre, où le 8 mai 2024 a été dévoilé une plaque en hommage aux milliers de victimes de la répression coloniale du mardi noir. Cette plaque a été placée à l’angle des rues du 8 Mai 1945 et des Amandiers de la ville, historique fief de la diaspora algérienne en France. « L’Initiative des quatre députés français est louable et audacieuse. Car elle pourra, bien entendu si elle aboutit, constituer une victoire pour toutes celles et tous ceux qui ont milité, des années durant, pour que ce crime contre l’humanité soit reconnu officiellement par la France, dont la responsabilité a été établie par les historiens et les chercheurs. La reconnaissance de ce crime pourrait également être perçue comme une volonté de rendre justice à toutes les victimes de cette tragédie, ainsi qu’à leurs descendants. Volonté aussi de faire la lumière, toute la lumière, sur un crime longtemps occulté. Néanmoins, pour que l’initiative soit complète, elle doit nécessairement inclure la reconnaissance de toutes les exactions et de tous les crimes commis durant les 132 années de la colonisation », dira le journaliste Hacène Arab. Notre confrère est en revanche contre une reconnaissance « à la carte » : « Caractérisé par des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, le fait colonial est un “tout” qu’il faut envisager comme tel. Donc, seule une démarche globale allant dans le sens d’œuvrer pour que l’État français cesse de mystifier l’histoire de la colonisation, serait en mesure de réunir les conditions nécessaires pour envisager effectivement une réconciliation des mémoires entre l’Algérie et la France. Réconciliation qui permettra ensuite de parler véritablement de “vérité et mémoire”. Plus de soixante ans après l’indépendance, je pense qu’il est temps pour que la France fasse un effort et prenne ses responsabilités pour regarder son passé colonial en face. Il est souhaitable qu’elle suive la démarche des Allemands, qui ont reconnu officiellement le caractère génocidaire des massacres commis en Namibie, au début du XXe siècle, contre les populations Herero et Nama. » L’historien Fouad Soufi abonde dans le même sens : « Tout ce qui peut développer l’amitié entre les peuples est à encourager, tout ce qui peut aider à la connaissance de notre histoire également. Tes travaux (l’auteur de l’article s’entend) et ceux qui t’ont précédé (Ainad Tabet Redouane et Mekhaled Boucif en particulier, mais pas que…) seront des sources sûres eu égard aux témoignages recueillis. Mais je pense que désormais il faut faire appel aux archéologues, il faut remuer la terre et surtout cesser les incantations et l’histoire victimaire. Ces deux postures sont, hélas, favorables aux théories négationnistes françaises. Il faut aller au fond du drame. Je pense enfin qu’il faut aider ces députés, en leur faisant visiter les lieux notamment et en remettant au jour le fameux rapport du général Tubert, mais également celui jamais cité de Michel Rouzé ». Ayant beaucoup travaillé sur la colonisation, particulièrement sur l’épineux dossier de mai 1945, l’historien Gilles Manceron et le politologue Olivier Le Cour Grandmaison, co-fondateur du CNRCC, soutiennent sans condition l’initiative des quatre députées. Ces dernières auront la tâche de défendre leur projet à l’Assemblée nationale française, où des députés de la droite et de l’extrême droite ne sont toujours pas disposés à reconnaitre formellement ce qui s’est passé en Algérie le 8 mai 1945 et les jours et les semaines d’après…

Kamel Beniaiche 

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