Figure montante de la recherche scientifique nationale, Yacine Benguerba, professeur au département de Génie des Procédés de l’université Sétif-1, décroche le deuxième prix au dernier Salon national dédié à la recherche et à l’innovation. Pur Produit de l’école algérienne -incubateur inépuisable des têtes pleines-, l’éminence grise a aimablement accepté de livrer à L’Est Républicain une infime facette des projets d’une communauté dont les travaux et prouesses demeurent méconnus du grand public.
Qui est Yacine Benguerba et quels sont ses domaines de recherches ?
Chercheur Algérien, marié et père de deux enfants, je suis professeur titulaire en génie chimique au département de Génie des Procédés de l’université Ferhat Abbas Sétif-1. Mes intérêts de recherche sont variés. Ils incluent la modélisation et le Docking moléculaire, la modélisation et la simulation des procédés, la catalyse et la réactivité chimique, la biocatalyse et la fermentation, ainsi que la séparation membranaire. Je travaille également sur la conception de nouvelles molécules d’intérêt thérapeutique et sur les solvants eutectiques profonds (DESs). Actuellement, je suis sur des projets concernant les solvants eutectiques profonds, l’adsorption et l’élimination de colorants industriels, de métaux lourds et de produits pharmaceutiques, ainsi que l’inhibition de la corrosion de surfaces métalliques. Je simule également des réacteurs catalytiques en utilisant des modèles de réaction et des modèles de dynamique des fluides computationnelle (CFD).
Pourriez-vous nous parler de vos contributions pédagogiques et scientifiques ?
J’ai à mon actif pas moins de 200 articles scientifiques publiés et 50 autres en cours de révision et de finalisation. Mon indice H est de 34 sur Google Scholar. J’ai, en outre, participé à une trentaine de conférences internationales. Je suis titulaire de plus d’un brevet sur l’utilisation de quelques produits naturels (avec solvants eutectiques) comme principe actifs dans le traitement de certaines maladies auto-immunes. Je compte aussi déposer quelques brevets dans le domaine du photovoltaïque avec le Dr. El Fahem Sakher de l’université d’Adrar
En quoi consiste cette recherche inhérente au photovoltaïque ?
Notre travail englobe plusieurs aspects. Le premier cible la récupération des déchets des vieilles cellules photovoltaïques et les recycler par la suite. L’autre volet est le développement de nouvelles cellules hautement performantes.
Quel est votre apport dans l’accompagnement des post-gradués ?
L’encadrement des étudiants à différents niveaux est notre mission principale. En ma qualité de superviseur et guidant, j’ai codirigé des doctorants à l’université Ferhat Abbas Sétif-1 et dans d’autres universités algériennes où la recherche scientifique est une réalité palpable. L’exemple d’Abir Boublia, qui a remporté le prix du meilleur chercheur à l’échelle nationale lors du dernier Salon des produits de la recherche, du développement technologique et de l’innovation démontre qu’à l’UFAS, la formation est de qualité.
Pouvez-vous nous parler de votre projet avec Sonatrach ?
Depuis mars 2002, je dirige un grand et important projet en collaboration avec Sonatrach, où la recherche occupe une place prépondérante. Le projet se concentre sur l’application des solvants eutectiques profonds (DES) couplés aux ultrasons pour inhiber la précipitation/floculation des asphaltènes dans le pétrole brut algérien. Avant de finaliser le travail en 2026, les premiers résultats sont très prometteurs. Des progrès significatifs ont été réalisés dans la modélisation des procédés et l’analyse statistique. Je voudrais ouvrir une parenthèse pour remercier les managers de la firme nationale, n’ayant pas hésité un instant à faire confiance à des compétences nationales. C’est une immense fierté de collaborer avec Sonatrach.
Qu’en est-il de la coopération internationale ?
A l’instar des collègues des autres universités du pays, les chercheurs de l’UFAS coopèrent avec leurs homologues des quatre coins de la planète. Pour ma part, je travaille en étroite collaboration avec des chercheurs d’Arabie Saoudite, des Émirats Arabes Unis, de France, d’Italie, de Tunisie, de Serbie, d’Inde, du Brésil, des États-Unis et de Corée du Sud. Ces échanges sont bénéfiques et fructueux pour tout le monde. Plus concrètement, je coopère avec la professeure Barbara Ernst du CNRS de l’université de Strasbourg sur deux projets. Le premier est la fermentation obscure pour la production de bio-hydrogène. Il vise à développer des méthodes durables pour la production de l’hydrogène à partir de biomasse et de déchets organiques. Le deuxième projet porte sur la bio-production d’hydrogène et la capture in-situ du dioxyde de carbone par des solvants eutectiques profonds (DES). Il se concentre sur la production durable d’hydrogène, exploitant le potentiel métabolique de micro-organismes pour métaboliser divers substrats organiques et produire de l’hydrogène. Deux autres projets sont sur le point d’être lancés, toujours avec l’université de Strasbourg, portant sur des procédés électro-fermentaires et des systèmes bio-électrochimiques pour la production de vecteurs énergétiques. Ils explorent des techniques prometteuses telles que l’électro-fermentation pour améliorer la production de bio-hydrogène, en tirant partie des synergies entre différents processus bio-électrochimiques et de fermentation.
Quel est l’impact des deux premiers projets sur l’environnement ?
La fermentation obscure génère des métabolites et du CO2 biogénique. Pour limiter l’impact environnemental, les DES sont utilisés pour la capture sélective du CO2. Le couplage de la bio-production d’hydrogène avec la capture in situ du CO2 offre une approche originale pour produire de l’hydrogène purifié tout en réduisant les émissions de CO2.
Qu’en est-il de la collaboration à l’échelle nationale ?
Un problème crucial lié à la durabilité des panneaux solaires photovoltaïques (PV) dans les climats désertiques mobilise une équipe multidisciplinaire, laquelle est formée de spécialistes et experts en matériaux, énergie renouvelable, physique, chimie et biotechnologie. Nous cherchons avec Dr. Elfahem Sakher (université d’Adrar), Dr. Fayçal Baira (université de Batna) et d’autres collègues à comprendre les mécanismes de dégradation microstructurale des panneaux solaires, en combinant des techniques de pointe. Cette approche holistique permet d’obtenir des informations détaillées sur les transformations structurelles et les compositions de phases des panneaux, ce qui est crucial pour améliorer leur durabilité et leur performance dans des environnements difficiles comme les déserts.
Quels sont les principaux objectifs de ce travail ?
Les résultats d’une telle étude pourraient avoir un impact significatif sur le développement de systèmes d’énergie solaire plus efficaces et durables, contribuant ainsi à la transition vers des sources d’énergie plus propres et renouvelables. Le travail en réseau démontre l’importance de l’interdisciplinarité dans la recherche scientifique algérienne, en mesure de résoudre bon nombre de problèmes complexes.
Un mot sur les dernières distinctions de l’université de Sétif ?
Les distinctions décrochées au dernier Salon ne sont que le prolongement des performances réalisées ces dernières années par l’université Ferhat Abbas de Sétif-1. Notre établissement est l’exemple type des progrès réalisés par la recherche scientifique en Algérie. La réussite de Meriem Abdoun (première place nationale) -meilleure chercheuse universitaire en sciences infirmières-, est la résultante d’efforts inlassables. En s’illustrant de fort belle manière, les doctorantes Abir Boubilia (première place nationale) et Samiha Djemai (troisième place nationale) démontrent que la formation est de qualité. Au nom des autres lauréats, je voudrais dédier ces prix à toute la communauté universitaire car le résultat d’un jour est la somme d’efforts déployés et de sacrifices consentis par toute la communauté des années durant. Je pense que le moment est opportun pour que les résultats des travaux de recherche investissent le secteur économique national, ne pouvant désormais se passer de projets universitaires brevetés et certifiés.
Selon vous, quelle est l’importance d’un tel Salon ?
Les manifestations telles que le Salon de la recherche, du développement et de l’innovation offrent aux chercheurs algériens une plateforme précieuse pour échanger des connaissances, partager leurs travaux et établir des liens. Ces événements favorisent les contacts entre chercheurs, ce qui permet d’augmenter leur réseau de collaborateurs et de développer de nouvelles idées et approches. En rencontrant d’autres membres de la société savante, les chercheurs algériens ont l’opportunité d’enrichir leurs propres idées et de les développer davantage. Ces interactions leur permettent également d’être exposés à de nouvelles perspectives et approches, ce qui peut stimuler l’innovation et la créativité dans leurs travaux respectifs. De tels rendez-vous permettent aux chercheurs de sortir un peu du laboratoire et d’aller découvrir et connaitre ce qui se fait ailleurs. Ils nous donnent la possibilité de rencontrer des experts qui pourraient être une source d’inspiration et d’encouragement. En somme, les manifestations scientifiques sont des occasions précieuses pour s’enrichir intellectuellement, d’explorer de nouvelles idées et d’apporter sa modeste pierre au gigantesque édifice de la recherche scientifique algérienne.
La recherche scientifique en Algérie n’est pas un fleuve tranquille…
Le manque de moyens matériels et d’appareillage spécifique peut entraver la progression de travaux scientifiques prometteurs. La question du financement se pose avec acuité pour les projets innovants. Le nerf de la guerre est important dans le développement de la recherche. D’autant que les chercheurs de l’université algérienne ont la compétence et le potentiel à fournir des solutions précieuses à l’économie nationale en général, à l’industrie algérienne en particulier.
Pouvez-vous nous parler de votre récent échange avec Kamel Bedari ?
La rencontre (clôture du dernier Salon national, NDLR) a été l’occasion idoine pour présenter au Pr. Badari (ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, NDLR) une infime partie des travaux des équipes de recherches de l’UFAS. Le ministre, qui avait déjà exprimé un grand intérêt pour le travail de tous les chercheurs algériens, a réaffirmé et réitéré son soutien à l’ensemble de la communauté scientifique du pays. Il a souligné l’importance de la recherche scientifique et technologique pour le développement de l’Algérie. Il s’est, une fois de plus, engagé à apporter aide et soutien à tout projet productif. L’échange à bâtons rompus illustre l’engagement du ministre envers la recherche scientifique en Algérie, ainsi que sa volonté de soutenir les chercheurs dans leurs efforts pour contribuer au progrès du pays. La démarche témoigne également de la reconnaissance de la qualité et de l’importance du travail des chercheurs algériens.
Entretien réalisé par Kamel Beniaiche
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