Alors que nous approchons de la dernière ligne droite de l’Aïd al-Adha, la situation dans les souks et points de vente ouverts à cette occasion dans la wilaya d’Annaba reflète bien l’adage propre aux Algériens : « dab rakeb moulah », signifiant que l’âne est sur le dos de son maître, illustrant un état des choses chaotique. Il règne une absence totale de logique, de contrôle des prix, et même d’hygiène, avec une nette défaillance des services de sécurité. En somme, c’est le chaos orchestré par une nouveau type d’individus, comparables à des piranhas. À moins d’une semaine de l’Aïd, le prix du mouton dans les points de vente déjà en activité à Annaba est bien loin de la portée de nombreuses familles. Les prix pratiqués par les marchands locaux dissuadent de nombreux chefs de famille, même ceux avec des revenus moyens à confortables. La course au mouton est lancée à Annaba, où le prix de ces animaux est souvent inabordable pour les petites et moyennes bourses. Un mouton « moyen » d’un an se négocie entre 90.000 et 100.000 dinars, soit le salaire mensuel d’un cadre, comme l’a souligné un retraité. Quant à l’agneau de six à sept mois, vendu à partir de 700.000 dinars dans les meilleurs cas, il ne répond même pas aux normes sacrificielles. Les salariés doivent éviter les moutons « honorables », dont le prix varie entre 110.000 et 150.000 dinars. Les habitants accusent ces « businessmans de l’Aïd » d’être responsables de l’envolée des prix des moutons. Ces intermédiaires entre éleveurs et clients sont désignés comme des « parasites » qui exploitent l’événement. Ils sont souvent éloignés des connaissances et des pratiques des bergers et des maquignons expérimentés. L’arrivée de l’Aïd à Annaba est chaque année synonyme d’une fièvre des moutons alimentée par des spéculateurs qui s’improvisent en « maquignon du vendredi ». Dans les marchés à bestiaux réguliers ou improvisés à la veille de chaque Aïd, ces maquignons du week-end sont trois fois plus nombreux que les professionnels et font souvent la loi. Malgré l’autorisation des services agricoles locaux, qui ont permis l’ouverture d’une dizaine de points de vente de moutons pour l’Aïd, principalement à El-Hadjar et El Bouni, c’est à Oued Zied, dans la commune d’Oued El Aneb, que se concentrent les maquignons du week-end. Des milliers de têtes transitent par les réseaux de ces vendeurs spécialisés, actifs dans la région depuis plus de dix ans. Des rumeurs circulent sur la manipulation chimique des moutons dans cette région pour les rendre plus attractifs et les vendre à des prix exorbitants. Ce problème met en danger la santé publique, comme en témoigne l’incident de l’Aïd 2013 où de nombreuses familles ont dû jeter leurs moutons en raison de leur détérioration dans les 48 heures suivant l’achat, sans que les services agricoles locaux ne puissent en déterminer la cause malgré les plaintes répétées des victimes et les ressources dont ils disposent.
B. Salah-Eddine
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