Le premier tour des élections législatives françaises a ouvert la voie à une incertitude sur l’avenir de ce pays. Un horizon qui sera également flou pour l’Union européenne. Dans l’immédiat, rien ne confirme que le Rassemblement National (RN) obtiendra la majorité absolue lors du second tour, qui se tiendra dimanche prochain. L’ex-Front National (FN), parti fondé par Jean-Marie Le Pen est certes premier au scrutin d’avant-hier (33 % des suffrages), ce qui lui donne la possibilité de placer bon nombre de ses candidats en position de gagner la semaine prochaine. Mais les alliances locales, les appels de quasiment tous les partis ayant pris part au vote à faire barrage au parti d’extrême droite et les manifestations nocturnes de dimanche contre le RN, peuvent freiner l’élan du parti de Jordan Bardella, le jeune loup de 28 ans qui se présente déjà en Premier ministre. S’il est évident que le clan du président Macron est désormais défait (les sondages les plus optimistes ne donnent pas plus de cent parlementaires au parti Renaissance et à ses alliés), trois scénarios se profilent. Le premier est le plus probable, celui de voir le RN obtenir la majorité absolue, ou du moins une majorité relative, avec des alliances, notamment avec les députés du parti Les Républicains (LR). C’est un nouveau virage dans l’histoire de la France, qui connaît, depuis au moins 1958, une alternance « classique » entre la Droite et la Gauche. Le pays connaîtra des changements importants dans des domaines liés à la sécurité et à l’immigration. Pis, la France se verra certainement isolée dans son espace géographique, jusque dans l’Union européenne, où le duel Le Pen — Bardella tentera de s’émanciper des règles de l’ensemble européen, jugées attentatoires à la souveraineté nationale des États. Cela en plus des frictions qu’il y aura certainement avec les pays de la rive sud de la méditerranée, plus particulièrement l’Algérie. Le second scénario est celui d’un possible sursaut républicain, qui verra le bloc de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP), arrivé en seconde position lors du premier tour, avec près de 28 % des suffrages, s’allier avec d’autres groupes ou députés d’autres tendances politiques du pays, dans le but de faire barrage au RN. L’œuvre est compliquée, du fait que beaucoup de formations politiques de la droite et du centre refusent de faire alliance avec un ensemble dans lequel siègent des députés de la France Insoumise (FI), jugée « non républicaine ». Mais des compromis restent envisageables, ne serait-ce que pour ne pas voir Bardella présider le gouvernement de la France. Le troisième scénario, le plus redouté, est celui d’une Assemblée nationale atomisée, où le RN aura certes la première loge, mais aucun groupe n’aura la majorité absolue pour constituer un gouvernement. Logiquement, c’est le parti arrivé en tête qui aura la charge de constituer un gouvernement. Jordan Bardella sera donc nommé dans ce cas, mais son gouvernement sera confronté à une hostilité telle qu’il ne pourra pas gérer le pays, qui se trouvera ainsi dans l’impasse, d’autant plus que le Président Macron ne pourra pas dissoudre, à nouveau, le Parlement avant une année. Il sera donc contraint de nommer un gouvernement de technocrates pour gérer les affaires courantes ou, au mieux, laisser le pays sans gouvernement et gérer par décret dans des situations urgentes, le temps de convoquer une nouvelle élection l’été prochain. D’autres analystes avancent un autre recours possible : la démission du président de la République, si le pays se trouve totalement bloqué. Mais on n’en est pas encore là.
Akli Ouali
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