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Une vie au service de la Révolution : Said Bouzahzah, le moudjahid reclus à Mila

Après avoir donné ses plus beaux jours à la cause nationale, le moudjahid Said Bouzahzah vit actuellement en reclus, dans les montagnes de Hamala, au nord de la wilaya de Mila. A 88 ans, il continue de faire paître un petit troupeau de moutons sur les reliefs de la région, à l’insu du monde. La démarche lourde et nonchalante, un poignard sous le pan de sa chemise à carreaux, il poursuit, avec ténacité, son long duel pour sa survie. L’Est Républicain lui a rendu visite tout récemment. Il a bien apprécié notre virée, en regrettant de ne pas recevoir de visites depuis des années, lui qui a côtoyé Houari Boumediene et Ferhat Abbas, à Ghardimaou, en Tunisie, connu Tayeb Boulahrouf à Rome et a été chef d’un groupe de cinq moudjahidine à Saint-Louis, en France, et artilleur à Melleg, en Tunisie. Né en 1936 à Grarem Gouga, notre héros est allé en France à l’âge de 20 ans, se rappelle-t-il. Il s’est installé à Saint-Louis. La même année, soit en 1956, il a rejoint la Révolution à l’étranger. « J’ai été incorporé au régiment du moudjahid Sy-Rachid Touil, à Saint-Louis. Le régiment était formé d’un réseau de 260 combattants à ce moment-là », nous dira-t-il. Said Bouzahzah sera désigné chef d’une cellule de cinq moudjahidine. « Cette cellule était appelée Groupe de choc. Elle était formée de Fodil Bennoun, un moudjahid de Beni Caïd, Ahmed Boumadous, Bougandoura (de Collo), Bouzaâtar et moi-même. Nous étions armés de pistolets. Notre mission était de collecter des fonds au profit de la Révolution et de lutter contre les mouchards et ceux qui appelaient à l’intégration de l’Algérie. Cette cellule a été vendue au contre-espionnage français par une taupe de nationalité tunisienne. Nous avons liquidé le mouchard et avons pris la poudre d’escampette », nous explique notre interlocuteur. Said Bouzahzah se rendra en Italie. « Je suis allé au consulat d’Egypte à Rome. Dans les locaux du consulat, il y avait un bureau réservé au consul algérien Tayeb Boulahrouf. Il m’a reçu. Je lui ai fait part de la déroute de mon groupe de choc à Saint-Louis et lui ai remis mon pistolet, car je comptais rentrer en Libye. Boulahrouf m’a orienté vers des responsables de la Révolution dans la capitale italienne. Ils élisaient domicile, à ce moment-là, à l’hôtel Alexandrie. Il m’a demandé de placer un journal sous ma veste, en laissant un angle du journal visible. C’était le mot de passe. Je suis arrivé à l’hôtel et j’ai rencontré les responsables en question. Je ne connais pas leurs noms. Ils m’ont donné de l’argent et une valise de vêtements et m’ont conseillé de me rendre d’abord au consulat d’Algérie en Libye dès mon arrivée dans ce pays. Ce que j’ai fait. J’ai été envoyé à Ghardimaou, en Tunisie, par le responsable consulaire. C’est là que j’ai rencontré Houari Boumediene et Farhat Abbas ; ils étaient de passage dans cette région en ce temps-là. J’y suis resté 15 jours, puis des responsables de l’Armée des Frontières m’ont envoyé, avec d’autres jeunes, à Melleg pour un stage accéléré en artillerie. Nous avons été formés par le moudjahid Abderrahmane Belatrache (dit Dahmane). Puis, j’ai été affecté à la batterie de Sy-Said Mekroud. Je suis devenu chargeur de canon. On avait un canon de 122 millimètres, d’origine russe modifié par l’armée chinoise. Son obus pesait 27 kilos. Avec cette pièce, on a bombardé, Sy-Said Mekroud et moi, à plusieurs reprises, la caserne militaire française au Kouif (Tébessa), à partir de la frontière. Nous l’avons utilisée aussi pour bombarder les troupes françaises attachées à la surveillance de la Ligne Morice. Je suis resté en Tunisie jusqu’à l’indépendance », conclut le moudjahid.

K. B.   

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