Comme toutes les villes du sud algérien où règne une chaleur caniculaire insupportable en été, la Reine des Ziban a pour coutume de se mettre en mode « veilleuse » au mois de juillet. Beaucoup de ses habitants répondaient à l’irrépressible appel du littoral national ou tunisien. La ville se dépeuplait. Les commerces baissaient rideaux et l’activité se réduisait au strict minimum. Cette année, il semble que beaucoup de familles ont décidé de surseoir à l’appel du littoral. C’est que la conjoncture économique est défavorable. « Les vacances reviennent de plus en plus cher et l’approche de la rentrée scolaire n’incite guère à grever un budget plus qu’il ne l’est déjà », déplorent des pères de famille. Ainsi, l’activité n’a pas baissé d’intensité, les marchés grouillent de gens et la circulation des automobiles y est aussi importante que durant les mois hivernaux, remarque-t-on. Biskra, qui compte d’environ 450.000 habitants, est en pleine expansion. Elle connaît une métamorphose sans précédent. Grâce ou à cause, selon les points de vue, d’une urbanisation effrénée, sa physionomie mue à vue d’œil. L’antique Viscera était d’abord une immense palmeraie, une oasis faisant la jonction entre tell et Sahara, une porte ouvrant sur le plus grand Sahara. Elle devient une ville comme une autre avec ses embouteillages, ses trépidations de cité moderne où se mêlent des populations hétéroclites vivant en bonne intelligence. Pôle agricole d’envergure nationale, carrefour commercial et centre universitaire, elle ne peut plus, avec ses multiples atouts, se permettre de tomber dans la léthargie et la torpeur pendant tout un été. « Malheureusement, nous avons les inconvénients de la vie citadine sans en avoir les avantages », geignent néanmoins les locaux. Mais comment ceux-ci meublent-ils leur quotidien ? Quels moyens de distraction ont-ils à leur disposition ? Les fonctionnaires et membres de professions libérales se calfeutrent dans les bureaux climatisés. Ici, il faut plaindre ceux qui doivent travailler en plein soleil sur les chantiers de construction. Beaucoup évitent de sortir et s’ils le font, c’est tôt le matin ou en fin d’après-midi. De 10 à 18 heures, une insolation est vite attrapée et le moindre effort coûte des litres de sueur car la température dépasse les 40 °C à l’ombre. Cette chaleur, nécessaire pour le mûrissement des dattes, incommode de nombreuses personnes.
Internet, séries, jeux vidéo…
Si, dans le passé, les gens du sud savaient remédier à la canicule en construisant des habitations en terre avec des murs isothermes, des patios et des cours intérieures captant et créant des courants d’air continus, et si les immenses palmeraies bien irriguées et entretenues dispensaient de la fraîcheur, ce n’est malheureusement plus le cas actuellement. Le seul moyen d’échapper aux morsures solaires est désormais de s’équiper de système de climatisation et d’appareils de réfrigération. En l’absence d’une vie culturelle estivale à la hauteur de leurs attentes, les plus passionnés se rabattent sur les matches de football ou le tour de France et attendent impatiemment le début des jeux olympiques. D’autres encore préfèrent titiller la carpe au barrage de la Fontaine des gazelles. Très peu semblent savoir que les librairies offrent un panel de livres dans les langues arabe, française et anglaise. Les cinéphiles se passent les derniers blockbusters américains tandis que les femmes préfèrent les feuilletions turques. « Je passe mes journées à la maison à scroller sur mon téléphone et regarder des vidéos et parfois des informations sur les chaînes arabes et françaises pour ne pas être déconnectés du monde », confie Samia, jeune fille de 22 ans. « Moi, je préfère jouer avec mes copains », renchérit Farid. Les familles, elles, se contentent de promenades vespérales et pédestres, d’une virée dans un des jardins publics dont Biskra est nouvellement dotée. Chaque soir, des centaines d’habitants fuyant l’espace confiné des appartements affluent autour des jets d’eau du bord de l’oued de Hai M’cid, de celui de la route du Sahara ou de celui de Djebel Dhalaa, où des revendeurs de thé, fruits secs et brochettes se sont installés, transformant les lieux en espaces conviviaux où l’on peut passer d’agréables moments à siroter un jus ou déguster une coupe de glaces. Ainsi, la Reine des Ziban montre son désir de ne pas se soumettre aux aléas du climat et de sortir de la niche folklorique de « ville du sud morte en été » dans laquelle la cantonnent les stéréotypes communs.
Hafedh M.
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