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Evénements du 29 juillet 1956 à Biskra : Les mémoires encore tourmentées 

Pour commémorer les événements du 29 juillet 1956, connus sous l’appellation de « Dimanche noir », des élus de l’Assemblée Populaire Communale (APC) de Biskra, des membres des organisations des anciens moudjahidine et des enfants de martyrs, ainsi que des scouts et des affiliés à la section locale de l’Association nationale de la Mémoire, se sont donnés rendez-vous, lundi 29 juillet, devant le siège de l’APC, pour marcher ensemble vers le Collège d’Enseignement Moyen (CEM) Youcef Lamoudi (ex-Place Lavigerie) où se trouve une fresque murale immortalisant cette journée, a-t-on relevé. Ils ont observé une minute de silence, déposé une gerbe de fleurs et écouté un sermon à la mémoire des victimes de cette funeste journée, gravée dans la mémoire collective, où des soldats français ont perpétré des dizaines de crimes sur la population civile pour se venger de l’attaque d’un convoi militaire commis par des partisans de l’Algérie indépendante. Selon l’historiographie locale corroborée par des articles de presse de l’époque et de multiples témoignages, les militaires coloniaux ont fomenté et prémédité, en ce jour de marché hebdomadaire, une véritable expédition punitive contre la population locale. Cette réaction violente et disproportionnée des militaires, dont une troupe de tirailleurs africains, s’est terminée dans un bain de sang avec l’exécution sommaire de dizaines de civils de Biskra et des environs, dont le seul tort fut de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Les chiffres officiels émanant des autorités coloniales font état de 22 victimes et de seulement quelques blessés « atteints lors d’une opération de rétablissement de l’ordre public confiée aux militaires », se dédouanait-on. Du côté des historiens et des chercheurs universitaires algériens, on estime que le nombre de victimes de cette macabre journée s’élève à plus de 300 personnes de tous les âges qui auraient été enterrées dans des fosses communes et jamais retrouvées. Au-delà des allégations des uns et autres sur le véritable nombre de victimes, cette terrible journée est gravée dans la chair et ancrée dans la mémoire collective des Biskris, constate-t-on. « Nous sommes réunis pour que personne n’oublie cette journée où des soldats en arme ont laissé libre cours à leur sauvagerie pour s’en prendre à des gens inoffensifs. Cette page de notre histoire est ensanglantée par un ignoble acte génocidaire où des soldats ont participé à une chasse à l’arabe pour abreuver leur soif de vengeance. Ils ont exécuté un plan minutieux pour encercler le centre-ville de Biskra en six points névralgiques. Sans sommation, ils ont tiré sur toutes les personnes présentes. Il y a 68 ans, je suis devenu orphelin car mon père et mon frère aîné ont été tués ce jour-là », a raconté Mohamed Salah Tifourghi. « Nous remercions les autorités locales de nous soutenir et de nous permettre d’organiser des rencontres mémorielles pour vulgariser cet événement tragique qui a failli disparaitre de l’histoire de notre ville. Sans les travaux des artistes, des historiens, des écrivains et des associations soucieux de la préservation des constituants de notre mémoire collective, cette journée où un crime contre l’humanité a été commis serait complètement occulté, oublié et escamoté, au grand dam des familles des victimes », a précisé Slimane Tifourghi, frère de notre interlocuteur et membre de l’Association nationale de la Mémoire. A l’instar de beaucoup d’autres, ces septuagénaires escomptent que des recherches poussées, initiées par des historiens et des universitaires ayant accès aux archives françaises, aboutissent à la détermination des emplacements des fosses communes « pour in fine déposer les restes et les dépouilles des victimes au carré des martyrs de la Reine des Ziban », ou du moins que l’on baptise un jardin public ou une place au nom de « Dimanche noir du 29 juillet 1956 », souhaitent-ils ardemment. 

Hafedh Moussaoui

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