Quoi de plus paradoxal et navrant que de découvrir que l’un des plus beaux villages d’Algérie, fruit de l’une des plus belles baies au monde, appartienne à l’une des communes les plus pauvres et les plus isolées, en l’occurrence Chetaïbi, située à soixante kilomètres à l’ouest d’Annaba ? En dépit des efforts soutenus du wali d’Annaba, Abdelkader Djellaoui, ces derniers mois, la commune de Chetaïbi, pourtant en plein exercice depuis près d’un siècle et demi, vit malheureusement encore à l’heure de l’isolement et du néant. Situé dans le prolongement des monts de l’Edough et construit sur le flanc d’une montagne qui se jette dans le golfe de Tekkouche, ce village est l’un des meilleurs sites balnéaires du pays. Ce paradis terrestre à vocation touristique par excellence est, après 62 ans d’indépendance, une zone enclavée où vivent près de 10.200 habitants. Dans cet esprit, Djellaoui a rencontré le comité de la ville de Chetaïbi avant-hier, jeudi 1er août. À l’issue des interventions de représentants du comité, des élus et des directeurs exécutifs, le wali a affiché une volonté évidente de mettre un terme à l’isolement de cette commune, grâce à une stratégie de développement tous azimuts. À commencer par le déclassement de certaines zones d’habitations du périmètre de la Zone d’Expansion Touristique (ZET), dont la superficie totale de la daïra de Chetaïbi fait partie. Cette mesure vise à mettre un terme à une contrainte qui pénalise depuis des décennies la population, à savoir la régularisation de leurs habitations, dans le cadre de la loi 08-15 fixant les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement. Toutefois, le wali a insisté sur le respect sans faille de la loi 02-02 de 2002, promulguée dans le cadre de la protection de la côte, qui stipule la stricte interdiction des constructions dans des zones non urbanisées, à moins de 300 mètres du rivage. « Les bungalows, cabanons ou autres constructions, réalisés à moins de 300 mètres du rivage ou dans les périmètres de sécurité des lignes à haute tension, ne sont pas concernés par cette mesure de régularisation », a averti le chef de l’exécutif. En matière de tourisme, malgré ses gigantesques potentialités naturelles, Chetaïbi, l’une des premières communes qui a vu le jour dans le pays, ne profite de ces atouts que l’espace d’une saison : l’été. Encore là, beaucoup reste à faire. Les capacités d’accueil sont pratiquement inexistantes. Les nombreux touristes n’ont à leur disposition, en fait, que les locations d’appartements, hors d’atteinte d’ailleurs de beaucoup d’entre eux. Afin d’y remédier, le wali a sommé les responsables de réserver des assiettes foncières pour abriter des infrastructures touristiques dignes de ce nom.
Des solutions pour les difficultés de tous les jours
La population locale a beaucoup à dire sur les difficultés de la vie quotidienne. Selon les intervenants, au problème de chômage qui se pose avec acuité d’année en année, s’ajoute surtout celui du logement. Sur ce dernier point, les habitants ne sont pas mieux lotis par rapport aux autres communes d’Annaba. Il n’a jamais été question depuis des années de compter sur les fruits de la terre. Chetaïbi, qui s’étend sur une superficie de 134 kilomètres carrés, est une région montagneuse où la surface agricole n’occupe que quelque 400 hectares. Ces terres servent principalement à la culture de la tomate industrielle, essentiellement dans la localité d’El-Azla, et quelques parcelles insignifiantes sous-exploitées. En revanche, la commune compte des milliers d’hectares de chêne-zéen et de chêne-liège. Le travail de la terre est difficile dans cette région, et un autre travail est pratiquement impossible à trouver dans la commune. En réponse aux difficultés des habitants, Djellaoui a donné des instructions fermes pour le lancement d’un nouveau programme de logements sociaux, l’extension de l’hôpital et son renforcement en matière de médecins spécialistes, ainsi que le renforcement du transport public. À cela s’ajoutent la création d’un village touristique et l’orientation d’un des créneaux de l’emploi vers la renaissance du couvert végétal de l’Edough. L’objectif est qu’il puisse être fonctionnel au plan de son exploitation et rentable au plan de sa production, toutes cultures confondues. Actuellement, les habitants assistent impuissants à la destruction d’un microclimat, dont les retombées sont catastrophiques.
De calanque à boulevard moderne ?
La calanque du port de pêche de Chetaïbi, dont l’accès a été fermé depuis quelque temps, sera non seulement accessible, mais elle fera partie du projet d’extension, d’aménagement et de modernisation du front de mer de l’antique Tekkouche. C’est ce qu’a décidéle wali, jeudi, lors de sa rencontre avec les représentants de la société civile de Chetaïbi, lesquels ont énormément insisté sur le libre accès à ce lieu qualifié de « bouffée d’oxygène ». « La calanque du port de pêche de Chetaïbi, où foisonne une vie aquatique particulièrement riche et variée, sera transformée en un boulevard pédestre moderne, au niveau duquel des multiservices seront réalisés au profit des jeunes de ce village touristique, véritable perle du littoral du pays », a déclaré Abdelkader Djellaoui à une assistance très nombreuse. Cette information s’est répandue comme une traînée de poudre à l’antique Tacatua. Un chemin pédestre d’environ 1.000 mètres, en contrebas de l’ancienne carrière d’agrégats, longe un littoral attrayant loin de toute pollution. L’endroit est une véritable icône en matière de nature à l’état sauvage, estiment les intervenants. Aux yeux de tous ceux qui ont déjà effectué une virée sur les lieux, la calanque est, plus qu’une destination touristique, un « pèlerinage balnéaire ».
B. Salah-Eddine
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