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Situation lamentable de l’hôtel de France à Sétif : Une épave au cœur de l’agglomération…

Autre témoin oculaire de grands événements vécus par la cité millénaire, l’hôtel de France a « assisté » à l’assassinat de Saal Bouzid, première victime de la tentative de génocide collectif perpétré par l’empire colonial le 8 mai 1945, et ce, quelques heures après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Imposant dans un coin de la rue de Constantine, principale artère de Sétif où la préservation du patrimoine matériel n’est pas le souci majeur des responsables concernés, l’établissement construit en 1920 fait pitié. Implanté à proximité de la célèbre fontaine d’Ain Fouara et d’autres immeubles d’une valeur historique inestimable, comme les anciennes galeries algériennes et le siège de l’ex-banque centrale d’Algérie, fermé lui aussi, l’hôtel – une très belle œuvre architecturale – est inexplicablement transformé en vestige.Soulignons que durant des décennies, l’établissement était la destination de prédilection de grandes personnalités politiques, de femmes et d’hommes de lettres, de sportifs, d’artistes de renom et de simples citoyens en visite à Sétif. Trônant dans un coin stratégique de la rue de l’antique Sitifis, le Grand Hôtel de France est « rayé » de la carte, comme le Café de France, la Potinière, le cinéma Star et le Colisée. Délaissé, puis placé sous la tutelle de « vendeurs de chimères », le majestueux hôtel tombe en ruine. Constitué de 30 chambres réparties sur trois étages et disposant d’un grand restaurant, d’une buvette et d’autres structures, l’établissement est l’exemple parfait du gâchis. « Le Grand Hôtel de France est une mine d’or, aussi bien pour la direction des Domaines (propriétaire des lieux) et la collectivité que pour le centre-ville, tué par le tracé du tramway. Fermé, le café situé au rez-de-chaussée était, avec la Potinière, l’autre lieu de rencontre de tout Sétif. C’était le poumon de la ville. Sous d’autres cieux où le tourisme est une industrie et source de devises fortes, la descente aux enfers de l’hôtel et d’autres biens collectifs s’apparente à un crime économique. Il ne faudrait pas passer sous silence un tel massacre à la tronçonneuse. Les mots ne sont pas forts. Il n’est plus possible de se voiler la face », se confient de vieux Sétifiens avec des yeux embués de larmes. Transformé pour une courte période en direction de l’Education et mis par la suite à la disposition de l’Entente de Sétif qui lui a donné le coup de grâce fatal, le passage d’une main à une autre a occasionné d’énormes préjudices à l’établissement, en mesure de renflouer les caisses de la collectivité. Celle-ci paye cash la nonchalance des responsables concernés, pour lesquels l’exploitation d’un bien public ne figure pas dans leur agenda. Le silence des élus à tous les niveaux en rajoute non seulement une couche mais engendre un manque à gagner incommensurable.

Enorme manque à gagner

Une telle situation ne laisse pas indifférents des professionnels de l’hôtellerie qui s’expliquent mal le sort réservé à un tel équipement dont la rentabilité n’est plus à démontrer : « La position géographique fait de l’hôtel de France, implanté au cœur de la ville, une affaire des plus rentables. Sa réouverture impactera positivement les recettes de la commune, redonnera vie au centre-ville. On n’a pas idée de l’incommensurable manque à gagner occasionné par des décennies de fermeture. L’intérêt général nous oblige à mettre un terme à cette situation ubuesque. La remise en état et l’ouverture de la structure créeront de la richesse et des emplois. De nombreux opérateurs de la ville et de la région sont disposés à investir rien que pour redorer le blason de l’établissement faisant partie de l’histoire de Sétif ». Pour le rappeler une autre fois, l’établissement qui a été cédé à l’Entente de Sétif devant l’exploiter pour diversifier ses sources de financement et en finir avec les subsides publics tombe dans le trou puisque les faux locataires n’ont pas honoré leurs engagements. Annoncée en 2015, la réhabilitation qui devait être réalisée par la société turque Yapi-Merksi, réalisatrice du tramway, dans le cadre des mesures d’accompagnement, n’a pas dépassé le cadre des bonnes intentions. La promesse est tombée à l’eau. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le groupe Sonelgaz, nouveau propriétaire de l’ESS qui avait pourtant promis de reprendre l’établissement et redorer son blason, n’a rien fait pour l’heure. Oubliant que l’infrastructure est un bien de la collectivité, le groupe industriel voulait reprendre l’hôtel de France, une portion de l’histoire de la ville de Sétif, en « cession ». La démarche n’a pas obtenu l’aval de la direction des Domaines. Parlant sous le sceau de l’anonymat, un cadre de la direction précitée est explicite : « Nul n’est en mesure de signer la cession d’un bien public. Une concession à durée limitée avec un cahier des charges clair est possible. La cession des biens du domaine public n’est plus en vigueur ». Sollicitée pour le terrain où est implanté le siège du club sis cité Abderrahmane Tlydjene(ex- cité bon marché), la commune de Sétif a refusé toute idée de cession : « L’assemblée populaire communale a, à l’unanimité, apposé son veto contre toute cession de cette parcelle, une propriété de toute collectivité », révèle à L’Est Républicain un membre du conseil municipal de la capitale des hauts plateaux, attendant avec impatience le sauvetage de l’hôtel de France, un joyau tombant en décrépitude.

Kamel Beniaiche

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