Après des mois d’accalmie, la Libye est sur le point de sombrer à nouveau dans la guerre civile. De grands mouvements de troupes appartenant à Khalifa Haftar, qui contrôle l’Est du pays, ont poussé les dirigeants de Tripoli, à l’Ouest, à annoncer eux aussi une mobilisation générale de leurs forces. Le risque d’affrontement est désormais très élevé. Dans un communiqué publié après la réunion du Conseil présidentiel libyen, Mohamed El Manfi a ordonné aux forces sous son commandement de se mobiliser pour faire face à l’avancée des troupes du Maréchal Haftar dans le Sud-ouest. Précédemment, l’adjoint du chef d’état-major a donné des instructions aux unités de l’armée d’être « en état d’alerte et prêtes à repousser toute éventuelle attaque », selon un communiqué des forces armées du Gouvernement d’union nationale, basé à Tripoli. Jeudi passé, le Haut Conseil d’État (HCE), qui gère le pays depuis Tripoli, a exprimé sa « grande inquiétude » face aux mobilisations militaires des forces de Haftar de ces derniers jours, visant selon lui à renforcer son influence et à étendre son contrôle sur des « zones stratégiques »,qui sont proches de nos frontières. « Ces mouvements sont susceptibles de raviver les affrontements armés et représentent une menace directe pour le cessez-le-feu de 2020 », a ajouté le HCE dans un communiqué, soulignant qu’ils compromettent tout « effort visant à réunifier l’institution militaire » et risquent de « provoquer l’effondrement du processus politique ».Ces déclarations font écho aux actions des troupes de l’Est, qui ont pris position dans plusieurs localités du Sud-Ouest, non loin de la frontière algérienne, officiellement pour les « contrôler ». Selon Saddam Haftar, le fils du maréchal qui commande les « forces terrestres » de « l’armée nationale libyenne », ces manœuvres « ne sont dirigées contre personne ». Cependant, la réalité semble bien différente. D’après diverses sources, relayées par des médias libyens et étrangers, les troupes de Benghazi poursuivent deux objectifs : le premier est de prendre certaines villes stratégiques pour marcher sur Tripoli, dans un second temps, comme elles l’avaient tenté en 2020. Le second objectif est de prévenir une éventuelle mobilisation de troupes fidèles à Seif El Islam Kaddafi, fils de l’ancien guide libyen, qui se cacherait dans les régions désertiques du Fezzan. Aidé par des tribus locales, celui qui aspirait à succéder à son père ne renonce pas à l’idée de reprendre le pouvoir pour venger l’assassinat de son père en 2011 par des « rebelles » soutenus par les Occidentaux. Face à ces développements, de nombreuses parties ont exprimé leur inquiétude, à commencer par l’Algérie, qui a une nouvelle fois appelé les Libyens à privilégier la solution politique pour éviter une guerre civile. La Mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL) a également exprimé cette semaine son « inquiétude » face à de « récentes mesures unilatérales » prises par des « acteurs politiques et des institutions dans l’Est, l’Ouest et le Sud ». Ces actions, selon la MANUL, « accroissent les tensions, sapent la confiance et approfondissent les divisions institutionnelles et les désaccords entre Libyens ». De son côté, l’ambassadeur américain à Tripoli, Richard Norland, a également fait part de son inquiétude après l’apparition d’affrontements dans certaines régions, soulignant que ces événements mettent en évidence les risques persistants posés par l’impasse politique en Libye.
Akli Ouali
Partager :