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Certificat de résidence d’un an « commerçant » en France : La viabilité de l’activité non requise pour les Algériens

Certaines préfectures en France confondent dans l’application de la loi sur les commerçants algériens le droit commun et les dispositions de l’accord franco-algérien. Cette situation prive aux ressortissants algériens, en possession d’un K-bis ou d’un registre de commerce, l’attribution d’un certificat de résidence d’un an pour algérien portant la mention « commerçant ».

Madame HJ a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler l’ordonnance attaquée, qui a retenu à tort la tardiveté de sa demande devant le tribunal administratif de Lille, d’annuler l’arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2023, Mme HJ, demandait à la Cour d’annuler l’arrêté du 1er mars 2023 et d’enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa demande de délivrance d’un certificat de résidence. Elle soutient que l’ordonnance attaquée a retenu à tort la tardiveté de sa demande dès lors que le pli contenant l’arrêté attaqué lui a été notifié le 20 mars 2023 et qu’elle a introduit sa demande au tribunal administratif de Lille le 14 avril 2023, dans le délai de recours de trente jours et l’arrêté est insuffisamment motivé car il est entaché d’erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation personnelle. Elle a le droit de bénéficier d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est contraire aux stipulations de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant. Elle a été prise en violation de la liberté d’entreprendre, protégée par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; l’illégalité de la décision de refus de séjour entraîne celle de l’obligation de quitter le territoire français. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par l’appelante ne sont pas fondés.  Vu les autres pièces du dossier. Vu : – la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; – l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; – le code de justice administrative. 

Obligation de quitter le territoire français

Mme HJ, ressortissante algérienne entrée en France en 2017 dans le but de suivre des études, a bénéficié de certificats de résidence à cet effet, renouvelés jusqu’à l’année 2020. En 2020, elle a sollicité un changement de statut en demandant la délivrance d’un certificat de résidence en qualité de commerçante.  Par un arrêté du 1er mars 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande de délivrance d’un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme HJ relève appel de l’ordonnance du 26 septembre 2023 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision pour tardiveté. Sur la régularité de l’ordonnance attaquée : Aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance : (…) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser (…) ». Aux termes de l’article R. 421-1 du même code : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) ». Aux termes de l’article L. 614-4 du même code : « Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l’article L. 611-1 est assortie d’un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. (…) ». Aux termes du I de l’article R. 776-2 du code de justice administrative : « Conformément aux dispositions de l’article L. 614-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la notification d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application (…) des 3°, 5° ou 6° de l’article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l’interdiction de retour ou à l’interdiction de circulation notifiées simultanément ».

Demande rejetée à tord

Il ressort des pièces du dossier que l’arrêté du 1er mars 2023, acheminé par voie postale, a été présenté au domicile de Mme HJ le 3 mars 2023. L’envoi n’ayant pas pu être distribué, il a été mis à disposition de sa destinataire dans un bureau de poste, puis distribué le 20 mars 2023, ainsi qu’il ressort de l’avis de réception du recommandé produit en première instance et des documents postaux produits en appel. Ainsi, la demande présentée par Mme HJ le 14 avril 2023 au tribunal administratif de Lille tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er mars 2023 a été enregistrée dans le délai de trente jours, prévu par l’article L. 614 – 4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, suivant sa notification. Par suite, l’appelante est fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. En l’espèce, il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la demande présentée par Mme HJ devant le tribunal administratif de Lille. Pour rejeter la demande de délivrance d’un certificat de résidence en qualité de commerçante présentée par Mme HJ, le préfet du Nord a instruit sa demande en qualité de « visiteur » et a considéré qu’elle ne justifie ni de la réalité de son activité commerciale ni qu’elle en tire des moyens de subsistance suffisants afin de subvenir à ses besoins et qu’au surplus cette activité commerciale de traduction est en inadéquation avec les études qu’elle a suivies en géographie. 6. Aux termes de l’article 5 de l’accord franco-algérien susvisé : « Les ressortissants algériens s’établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d’usage et sur justification, selon le cas, qu’ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ». Aux termes du a) de l’article 7 du même accord : « Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d’existence suffisants et qui prennent l’engagement de n’exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d’usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention « visiteur » ».

Erreur dans l’appréciation de la situation

Il ressort des pièces du dossier que Mme HJ exerce une activité professionnelle autre que salariée et justifie d’une immatriculation de sa société dénommée auprès du registre du commerce et des sociétés depuis l’année 2020. Ainsi, l’intéressée remplit les conditions prévues par les stipulations applicables citées aux dispositions de l’article 5 de l’accord franco-algérien. Si cet article 5 de l’accord franco-algérien stipule que le certificat de résidence est délivré dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis du même texte, le préfet du Nord ne pouvait pas faire application des conditions prévues par le a) de l’article 7 dès lors que l’intéressée, qui est présente en France depuis le 25 septembre 2017 et y a séjourné en situation régulière afin de suivre ses études, n’a pas sollicité de titre de séjour portant la mention « visiteur ». Dès lors, le préfet du Nord a commis une erreur dans l’appréciation de la situation de Mme HJ au regard de ces stipulations en subordonnant la délivrance du certificat de résidence demandé par Mme HJ à des conditions, tenant à la réalité de l’activité commerciale, à l’existence de moyens d’existence suffisants et à l’adéquation de son activité professionnelle avec les études qu’elle a suivies, qui ne sont pas prévues par l’article 5 de l’accord franco-algérien précité. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme HJ est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 1er mars 2023, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés en première instance et en appel.

Sur les conclusions à fin d’injonction

Le présent arrêt, qui annule l’arrêté préfectoral du 1er mars 2023, implique nécessairement que le préfet du Nord réexamine la demande de Mme HJ tendant à la délivrance d’un certificat de résidence. Dès lors, il y a lieu d’enjoindre à l’administration de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Sur les frais liés au litige : La 2ème Chambre de la Cour administrative d’appel de Douai a décidé que L’ordonnance n° 2303431 du 26 septembre 2023 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lille et l’arrêté du préfet du Nord du 1er mars 2023 sont annulés et qu’il est enjoint au préfet du Nord de réexaminer la demande de délivrance d’un certificat de résidence présentée par Mme HJ, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Référence : Arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai n°23DA01885

 

Par Me Fayçal Megherbi, avocat

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