L’élection présidentielle du 7 septembre 2024 aurait pu figurer dans les annales électorales du pays, comme référence, tant elle a été marquée par sa sérénité, sa transparence, l’esprit fair-play des trois candidats, leur sens des responsabilités et le climat festif dans lequel elle s’est déroulée. Hélas, l’Autorité Nationale Indépendante des Élections (ANIE), supposée être garante de la régularité, de la transparence et de l’impartialité du processus électoral, a totalement failli à sa mission, donnant lors des points de presse successifs de son président, Mohamed Charfi, des taux de participation ubuesques. Si ces derniers, annoncés successivement à 9 heures, 13 heures et 17 heures, étaient plus ou moins conformes aux normes habituelles, la décision de prolonger le scrutin jusqu’à 21 heures, d’autoriser le vote sans carte et d’utiliser de multiples procurations pour une seule personne a semé le doute dans les esprits. Les directions de campagne des candidats du FFS et du MSP y ont ainsi perçu une manipulation, même si l’ANIE a justifié cette mesure par le souhait de « booster » la participation, restée anémique jusqu’à 19 heures, « en raison de la chaleur dans le sud et les Hauts-Plateaux ». En réalité, cette décision de changer les règles en pleine partie s’est prolongée, lors d’une conférence de presse où il a été révélé que le fameux taux de 48,03 % est une « moyenne de participation », un indicateur flou inventé par Charfi pour tenter d’esquiver l’obligation de divulguer le taux de participation final. Le taux de la discorde, annoncé dans la nuit de samedi, a trouvé son épilogue le lendemain, lors de la proclamation des résultats durant une cérémonie étrange, tenue au siège de l’ANIE, alors que la presse nationale et internationale attendait au Centre International des Conférences (CIC) Abdelmalek Rahal. Un changement de lieu décidé au dernier moment, qui visait à éviter que le président de l’ANIE ait à expliquer les résultats, en particulier le nombre de voix et les pourcentages obtenus par chaque candidat. Un véritable numéro de cirque, où Mohamed Charfi s’est encore une fois emmêlé les pinceaux, s’empêtrant dans des chiffres contradictoires, voire farfelus, face à une assistance incrédule. Ainsi, il a annoncé que le président Tebboune aurait obtenu 94,06 % des voix, Abdellali Hassan Chérif 3,18 % et Youcef Aouchiche 2,16 %, pour une participation de 5.630.169 votants, sur un corps électoral de plus de 24 millions, soit un taux de participation réel de 23,9 %. « Le président Tebboune n’a pas besoin d’un tel score brejnévien d’une autre époque. Cela semble relever d’une volonté de le discréditer, ainsi que le vote », a soupçonné à juste titre l’universitaire Mohamed Saidj, de l’Université d’Alger. Tellement lunaires, grotesques et invraisemblables, ces résultats n’ont pas tardé à être contestés, lors d’une réunion des directeurs de campagne des trois candidats au siège du FFS. Cette réunion, qualifiée de « première à saluer » par Aouchiche, a abouti à la publication d’un communiqué dénonçant sévèrement l’ANIE et le caractère léger, flou, ambigu et contradictoire des chiffres présentés. « Un véritable coup porté à elle-même, au processus électoral et à l’Algérie », a ajouté le Premier secrétaire du FFS. La direction de campagne du président Tebboune a fait preuve d’intelligence en participant à cette réunion, marquant ainsi sa distance par rapport à ces chiffres fantaisistes, signifiant clairement que le président n’y est pour rien et n’avait nul besoin d’un tel score. Dans cette logique, certains n’ont pas hésité à évoquer l’hypothèse d’un « complot », contre le président Tebboune et contre l’Algérie. Cette mascarade ayant été, selon eux, orchestrée par Charfi et son équipe. Bien sûr, il n’est pas question d’annuler les élections, hypothèse évoquée samedi soir sur les réseaux sociaux. Le président Tebboune a été plébiscité, comme prévu, pour son bilan et ses nouveaux engagements, pour un second mandat, et n’a aucun besoin d’une manipulation des chiffres en sa faveur. En revanche, la balle est désormais dans le camp de la Cour constitutionnelle, appelée à réexaminer les chiffres et rétablir à chacun des candidats les voix que les citoyens lui ont attribuées. Cependant, selon plusieurs observateurs, l’affaire ne doit pas en rester là, comme l’ont souhaité les candidats du FFS et du MSP. Ces derniers ont en effet réclamé « la mise en place d’une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur cette mascarade signée ANIE, ainsi que sur ses acteurs et ses concepteurs », car il en va de l’image du pays, qui vient, hélas, de subir un coup au moment où tous les regards étaient tournés vers lui.
H. Khellifi
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