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Abus de pouvoir à la préfecture du Val-de-Marne : Pas de condamnation pénale, pas de retrait de titre de séjour

Par une requête, enregistrée le 29 août 2024, M. KJ avait demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté du 22 mai 2024 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et d’enjoindre à la préfète du Val-de-Marne, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l’expiration de ce délai, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention « vie privée et familiale ». Il soutient que la décision contestée est insuffisamment motivée et est dépourvue de base légale dès lors que l’exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui en constitue le fondement est suspendue par le recours contentieux introduit contre cette décision ; elle est entachée d’erreur de droit dès lors que le préfet n’a pas examiné la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France et est entachée d’erreur d’appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public, qu’il dispose d’attaches anciennes avec la France et que l’exécution de la décision d’éloignement dont il fait l’objet est suspendue par le recours contentieux formé contre cette décision. Selon les moyens du demandeur, cette décision est illégale dès lors que le réexamen de sa demande de titre de séjour est en cours à la suite de la suspension, par le juge des référés du tribunal administratif de Melun, de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour et de l’inexécution par l’administration de l’injonction de réexamen de sa situation. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2024, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Dans l’examen de cette procédure, le tribunal a pris en considération les stipulations des textes suivants : le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; – le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. M. KJ, ressortissant algérien né en 2000, en Algérie, déclare être entré en France la 14 octobre 2016. Par un arrêté du 30 août 2023, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 22 mai 2024, dont le requérant demande l’annulation, la préfète du Val-de-Marne lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Aux termes de l’article L. 612-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. / (…) ». Aux termes de l’article L. 612-10 du même code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles (…) L. 612-7, l’autorité No 2410801 3 administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (…) ». Il ressort des pièces du dossier que M. KJ est entré en France en 2016, soit depuis presque huit ans à la date de la décision attaquée. Célibataire et sans charge de famille en France, il se prévaut de la présence en France de sa mère et de l’un de ses frères sans néanmoins produire de pièce établissant l’existence entre eux de liens d’une particulière ancienneté, stabilité et intensité, étant par ailleurs relevé que son père est décédé en France en 2017 et que ses autres frères et sœurs résident en Algérie. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. KJ a poursuivi sa scolarité en France à compter de la classe de troisième, de 2016 à 2021, qu’il a dans ce cadre bénéficié de plusieurs lettres de recommandation, en 2019 et 2020, de la part de l’assistant d’éducation qui le suivait ainsi que du proviseur du lycée et qu’il a obtenu en 2019 un certificat d’aptitude professionnelle « métiers de l’enseigne et de la signalétique » puis, en 2021, un baccalauréat professionnel spécialité « artisanat et métiers d’art » option « métiers de l’enseigne et de la signalétique ». Le requérant justifie par ailleurs de diverses expériences professionnelles durant les années 2022 à  2023, témoignant ainsi de sa volonté d’intégration professionnelle. M. KJ justifie ainsi de l’ancienneté de ses liens avec la France. De plus, si M. KJ a fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée le 30 août 2023 par la préfète du Val-de-Marne, d’une part, cette décision est fondée sur un refus de renouvellement de titre de séjour qui a été suspendu par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 13 février 2024 et, d’autre part, elle fait l’objet d’un recours en excès de pouvoir introduit le 3 janvier 2024 et toujours pendant, de sorte que son exécution d’office était suspendue à la date de la décision attaquée. M. KJ ne peut ainsi être regardé comme s’étant soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement au sens des dispositions citées au point précédent. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le requérant a été interpellé le 22 mai 2024 lors d’une rixe dans un moyen de transport, le passager auquel il a porté des coups ayant subi une incapacité temporaire totale inférieure à huit jours. Toutefois, le requérant soutient sans être contredit que le passager était à l’origine de la rixe, qu’il a lui-même reçu des coups pour lesquels il justifie avoir porté plainte et sollicité un examen médical et qu’il n’a fait que se défendre. Il ressort par ailleurs des observations de son conseil à l’audience, non contestées en défense, qu’en dépit de ces faits, le casier judiciaire du requérant est vierge. Et si la préfète du Val-de-Marne fait valoir les précédentes signalisations du requérant, sous plusieurs identités, au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) pour des faits de vol à la tire en mai 2017, de vol à l’étalage en réunion en juillet 2017, de vol en réunion en août 2017 et d’extorsion avec violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours en mai 2020, dont le requérant ne conteste pas être l’auteur, il est constant que la décision en litige n’est pas fondée sur ces éléments mais sur la seule rixe en mai 2024 pour caractériser la menace à l’ordre public que représente la présence en France de M. KJ. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de son séjour en France, de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il ne peut être regardé comme s’étant soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement et de la gravité mesurée ainsi que des circonstances particulières dans lesquelles se sont produits les faits en mai 2024 qui lui sont reprochés, lesquels ne suffisent pas à eux seuls à caractériser une menace à l’ordre public, M. KJ est fondé à soutenir que la préfète du Val-de-Marne a entaché d’erreur d’appréciation la décision d’interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de trois ans prise à son encontre. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans doit être annulée.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

L’annulation prononcée par le présent jugement n’implique nullement qu’il soit enjoint à la préfète du Val-de-Marne de délivrer au requérant un certificat de résidence. Par suite, les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais de l’instance :

Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante, une somme de 900 euros au titre des frais exposés par M. KJ et non compris dans les dépens. Le tribunal administratif de Melun a décidé, d’une part, que l’arrêté du 22 mai 2024 par lequel la préfète du Val-de-Marne a fait interdiction à M. KJ de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans est annulé et d’autre part, l’Etat versera au justiciable une somme de 900 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Référence : Jugement du tribunal administratif de Melun N° 2410801 en date du 23 septembre 2024

 

Par Me Fayçal Megherbi, avocat

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