Pour la première fois depuis sa réélection à la Magistrature suprême, le président Abdelmadjid Tebboune a donné sa version sur les relations algéro-françaises et sur l’imposition des visas pour les ressortissants marocains. Dans une longue interview accordée à deux journalistes algériens, le chef de l’Etat a précisé qu’il ne se rendra pas en France. « Je n’irai pas à Canossa », a-t-il tranché comme pour préciser que sa visite en France était inutile actuellement et que cela ne se fera pas dans de bonnes conditions. Mais au-delà de la visite, le chef de l’Etat a répondu aux critiques de responsables politiques français. Ainsi, il a indiqué que la question de la révision des Accords de 1968 ne lui faisait pas peur, puisque « un accord est fait pour être révisé », mais cet accord est « une coquille vide ! ». « L’accord de 1968 est venu pour restreindre les Accords d’Evian qui ont institué la libre circulation des personnes entre les deux pays. Les Européens sont partis, la France a exprimé ensuite son désir de stopper le flux migratoire, nous avons dit d’accord. Il y a eu une révision en 1985, puis en 1995 et en 2001. Son contenu a été vidé. Il est devenu un slogan politique pour réunir leurs extrêmes », a-t-il asséné, en ajoutant que « l’accord de 1968 est l’étendard derrière lequel marche l’armée des extrémistes ». De la même manière, le président de la République a démenti le refus de l’Algérie de délivrer les laissez-passer consulaires à ses ressortissants établis de manière illégale en France. « C’est faux ! », a-t-il répondu aux allégations du ministre français de l’Intérieur qui a indiqué que l’Algérie refusait de reprendre ses ressortissants établis illégalement en France. « Ce sont des mensonges », a-t-il réagi, en accusant Bruno Retailleau de chercher à faire détester l’Algérie aux Français. « Votre tendance est connue, vous cherchez à faire détester l’Algérie aux Français », a assené le président Tebboune. Comme réponse à l’Extrême droite en France qui qualifie l’émigration de grand remplacement, Abdelmadjid Tebboune a convoqué l’Histoire. « C’est l’Algérie qui a été choisie pour le vrai grand remplacement qui consistait à chasser la population locale pour ramener la population européenne. Combattre l’islam pour christianiser l’Algérie et en faire une terre européenne avec des messages, avec une armée de Charles X génocidaire. On ne peut effacer l’histoire », a dit le président Tebboune. Au sujet des relations bilatérales, le président Tebboune a rappelé que lui et le chef de l’Etat français voulaient « une refondation des relations bilatérales », mais que ces liens ont été paralysés par les extrêmes. Or, les sujets sérieux sont ailleurs, a-t-il indiqué. « Si vous voulez aborder les sujets sérieux, venez nettoyer les sites où vous avez effectué des expériences nucléaires. Il y a des gens qui meurent encore, d’autres impactés. Vous êtes devenus une puissance nucléaire, et nous avons récoltés les maladies. Venez nettoyer Oued Namous, où vous aviez développé vos armes chimiques, et jusqu’à présent nos moutons, nos chameaux meurent après avoir mangé de l’herbe contaminée. C’est cela la vraie question, ce n’est pas dans un faux débat sur l’accord de 1968 », a-t-il encore asséné. Malgré cela, il refuse de cracher sur l’avenir. Il n’a pas dit quand est-ce qu’un nouvel ambassadeur algérien sera désigné pour le poste de Paris. « Laissons le temps et les peuples faire les choses », a-t-il simplement dit tout en rappelant les raisons qui ont poussé l’Algérie à retirer son ambassadeur. Il a accusé Paris de ne pas respecter le droit international surtout qu’il s’agit d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité. Concernant les raisons qui ont poussé l’Algérie à imposer les visas aux ressortissants étrangers détenteurs de passeport marocain, le chef de l’Etat a indiqué que cela était dû « à des raisons sécuritaires » puisque des « espions sionistes » ont été surpris sur le sol national « avec malheureusement la participation de certains algériens ». En revanche, Abdelmadjid Tebboune a insisté sur le fait que l’Algérie n’avait pas l’intention de renvoyer les Marocains vivant sur son territoire. « Nous n’avons aucun problème avec nos frères marocains », a-t-il appuyé tout en précisant que « des ressortissants marocains vivent et travaillent chez nous sans aucun problème et rien ne leur arrivera». Au sujet de la Russie, Abdelmadjid Tebboune a démenti les informations selon lesquelles notre pays a des problèmes avec Moscou. « Nous avons de bonnes relations avec la Russie et ce qui se dit n’est que de la spéculation », a-t-il précisé en allusion aux informations faisant état de la colère des autorités algériennes face au déploiement des mercenaires de Wagner au Mali. « Nous n’allons jamais entreprendre quelque-chose qui fera du mal à la Russie », a-t-il encore ajouté. En revanche, il a confirmé que le dossier des Brics était clos. Interrogé sur la question du Moyen-Orient, le chef de l’Etat a déploré « la loi de la jungle » qui fait que « les puissants font ce qu’ils veulent », et dénonce « un génocide » en Palestine. C’est ce qui l’a poussé à réclamer à nouveau la réforme des institutions onusiennes avec le renforcement des prérogatives de l’Assemblée générale des Nations-Unies et l’élargissement du Conseil de Sécurité au continent africain.
Akli Ouali
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