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Ancien dealer et caïd de quartier à Biskra : Amar, un exemple de réinsertion sociale réussie

Amar K. est un quadragénaire qui tient à raconter son histoire pour qu’elle serve de leçon aux plus jeunes à qui il voudrait montrer que tout est possible dans la vie, que tout se paye et que chacun est responsable de ses propres actes. Aujourd’hui, c’est un père de famille de trois enfants exerçant le métier de chauffeur de taxi urbain. Il est consciencieux, affable et soucieux de ne pas heurter ses clients par un mot ou un geste déplacé. Il est heureux de vivre « comme tout le monde » et il se sent apaisé et fier d’être devenu « un citoyen honnête et sans histoire scabreuse ni activité illégale », souligne-t-il. A voir ce gaillard d’un mètre quatre-vingts, aux gestes lents et posés, personne ne pourrait se douter que c’était le caïd redouté de son quartier. C’est qu’il est passé par des moments difficiles qui n’auguraient rien de bon pour lui, estime-t-il. D’une voix monocorde, il narre son enfance désastreuse dans un quartier populaire de Biskra, son exclusion du système éducatif à 16 ans, sa plongée dans le monde du trafic de cannabis… Et cinq plus tard, son arrestation par les agents de la Sûreté nationale et son incarcération dans un centre pénitentiaire, en insistant longuement sur les circonstances et les causes de sa rédemption. « J’étais enfant quand ma mère a été répudiée par mon père qui est parti refaire sa vie ailleurs en abandonnant sa famille. A l’école, je me sentais mal et je ne supportais plus les quolibets de mes camarades et les remarques désobligeantes des enseignants au sujet de mes faibles résultats scolaires. Très vite, de bagarre en bagarre, je me suis imposé dans mon quartier comme le plus teigneux des adolescents. J’en voulais à la terre entière d’être né dans une famille pauvre alors que d’autres venaient frimer avec leurs beaux vêtements. J’ai commencé à boire et à fumer du cannabis et à en vendre sans craindre les foudres de la justice. J’avais des dizaines de clients et je gagnais de plus en plus d’argent. Je me croyais invulnérable. Un jour, les policiers sont arrivés et je ne souhaite à personne de les voir investir la maison et fouiller les affaires et les commodes de la mère, en larmes et éplorée par ce coup du sort », détaille-t-il avec des larmes perlant à ses paupières.

Les préjugés sont tenaces…

Amar a passé cinq dans une prison où il a pu se reconstruire en participant au programme de formation interne consistant à prendre des cours dans plusieurs matières scolaires et à écouter les conseils des gardiens les plus paternalistes. « Après des mois de réclusion, je voyais le monde autrement. J’ai rencontré des prisonniers par dizaines. Chacun se disait victime d’une avanie et de « hogra » mais en réalité, j’ai compris que chacun d’eux ne faisait que payer son dû à la communauté pour son asociabilité et pour avoir enfreint les lois. J’ai commencé à avoir de bonnes notes aux examens et à m’intéresser aux livres d’histoire, de géographie et de sciences. Ainsi, moi aussi, ai-je découvert, je pouvais être un bon élève. Victor Hugo a dit qu’en ouvrant une école, on ferme une prison. Pour moi, c’est la prison qui a été mon école », lance-t-il, non sans une once de fierté de citer le poète et romancier français du XIXe siècle. Bénéficiant d’une remise de peine pour bonne conduite et d’une mesure de grâce du président de la République, notre désormais repris de justice a été libéré pour se retrouver sans travail et évidemment sans le sou. Là, a commencé sa traversée du désert. Qui voudrait engager un ancien taulard ? Les préjugés sont tenaces. Il le sait. « J’étais complètement désorienté sans savoir que faire. Je suis allé voir un parent et lui ai demandé de m’aider à passer le permis de conduire et à acheter une guimbarde pour faire le taxi-service. Louanges à Allah, j’arrivai à gagner ma vie correctement sans jamais penser à revenir à mes anciennes activités.  Je me suis marié et j’ai trois beaux enfants dont je prends soin comme la prunelle de mes yeux. Je vis ni mieux ni pire qu’un autre mais honnêtement et dans le respect du code de la route », conclut notre interlocuteur sur une pointe d’humour. Voilà, un cas exemplaire de réinsertion sociale réussie, peut-on déduire. Mais Amar K est peut-être un cas non-représentatif de la situation des personnes libérées après avoir purgé une longue peine de prison. Ceux-ci font légion à Biskra où ils trainassent à la recherche d’un travail qu’ils n’arrivent pas à décrocher, du fait, selon eux, des idées reçues et de la réticence des chefs d’entreprises et des administrations à recruter d’anciens repris de justice. Quant à Amar K, il n’est, semble-t-il, qu’un cas atypique. Au fait, il compte s’inscrire dans une école privée pour apprendre la grammaire du français qu’il écoute à travers les ondes de la Chaine-3, en sillonnant la ville à bord de son taxi.      

Hafedh M. 

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