Collées furtivement sur des espaces volés aux devantures de commerce, les annonces de cours particuliers pullulent. Toutes les matières sont proposées aux parents, pour les enfants du préscolaire aux candidats du baccalauréat, de l’apprentissage de l’écriture aux mathématiques, et cela sur de simples bouts de papier mentionnant un numéro de téléphone. Mais ne vous fiez surtout pas aux apparences, car derrière cette démarche aux allures clandestines, de gros enjeux financiers se cachent, en plus du défi lancé ouvertement à l’école publique, où exerce paradoxalement la majorité des enseignants ayant opté, en plus de leur carrière, pour l’école « informelle », qui fait désormais partie du quotidien des Algériens. En effet, les cours « particuliers » sont entrés dans les mœurs, pour devenir la règle générale après avoir été longtemps l’exception. Toléré par le ministère de l’Éducation, le phénomène s’est développé au fil des années, pour devenir aujourd’hui un véritable « marché », par où transitent des sommes colossales. Il s’agit d’un véritable business qui met en péril l’égalité des chances des élèves, ceux dont les parents sont en mesure de prendre en charge ces cours informels étant favorisés. À chaque mouvement de grève qui touche l’école publique, c’est toujours cet enseignement clandestin qui en tire profit. Les enseignants font la grève d’une part, et assurent des cours en privé d’une autre. Ce n’est guère une vue de l’esprit, mais une réalité illustrant de façon frontale des paradoxes mal assumés. Confrontée au même phénomène, la Tunisie vient de prendre une décision radicale. Dans un communiqué publié hier mardi, le ministère tunisien de l’Éducation a rappelé que les cours particuliers hors établissements scolaires relevant du ministère sont interdits par loi, soulignant que celle-ci prévoit des mesures disciplinaires et des sanctions à l’encontre des contrevenants. « Cette décision a été prise pour faire face à ce phénomène qui a pris de l’ampleur et pour instaurer l’égalité entre tous les élèves », précise le ministère tunisien de l’Éducation. En Algérie, il est regrettable de constater que des enseignants qui n’ont pas « lâché » leurs postes dans les établissements publics, soient en train de creuser le fossé séparant les familles nanties et qui ont les moyens d’assurer à leur progéniture le maximum de chances de réussite de celles à revenus modestes, qui se contentent des prestations « minimales » que leur procure l’enseignement public. La « fracture scolaire » est là, c’est incontestable.
Mohamed Mebarki
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